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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se fait que vous n’ayez pas droit à votre carrosse, étant
conseiller du roi ?
    — Parce que, vu l’encombrement du grand chemin de
circonvallation, l’usage de la carrosse est réservé au roi, au cardinal, aux
maréchaux et au duc.
    — Alors, dit Nicolas, plaise au ciel que le roi vous
fasse duc avant qu’il ne me fasse mousquetaire !
    — Amen, dis-je, comme chaque fois que ce titre me
revenait en les mérangeoises.
    J’étais alors mi-content mi-chagrin, car je ne laissais pas
de trouver en mon for que Louis me tantalisait un peu trop.
    Je ne trouvai pas le roi à Aytré – il était départi, me
dit Du Hallier, inspecter le port que Bassompierre était occupé à construire
près de Fort Louis. Je dis alors à Du Hallier, lequel le roi venait de nommer
maître de camp en le plaçant sous les ordres de Bassompierre :
    — Monsieur le Maître de Camp, dis-je en faisant ronfler
son titre neuf (ce qui, à voir sa trogne épanouie, la chatouilla délicieusement),
plaise à vous de dire à Sa Majesté que je vais lui faire un rapport écrit
touchant la mission qu’il m’a baillée et que je lui remettrai demain ledit
écrit, dussé-je y passer la nuit.
    Le mot « nuit » fit sourire Nicolas. Mais
j’attendis d’être en selle à ses côtés pour lui bailler une bourrade du plat de
la main en lui disant :
    — Que diantre, Nicolas ! Ne sais-tu pas qu’à la
Cour, il ne suffit pas de bien faire, il faut aussi faire entendre qu’on fait
bien, et assez haut et assez clair pour être ouï.
     
    *
    * *
     
    À Brézolles, à la nuitée, je retrouvai avec plaisir le petit
salon – où Madame de Brézolles et moi avions si souvent bu au bec à bec la
tisane du soir. Il était, en l’honneur de mon advenue, brillamment éclairé par les
bougies parfumées du lustre et des chandeliers et, en outre, chauffé par un feu
flambant haut et clair dans la monumentale cheminée. Cependant, étonné que Luc,
à mon advenue, ne fût pas accouru pour m’ôter mes bottes boueuses et me
chausser plus proprement, j’appelai à la cantonade et vis entrer presque
aussitôt une fort blondette chambrière, laquelle me dit d’une voix douce, mais
nullement timide, qu’elle s’appelait Perrette, que Madame de Brézolles lui
avait donné l’ordre de se mettre d’ores en avant à mon service pour ma chambre
et pour ma personne.
    Je fus béant et pendant que la garcelette me tirait les
bottes des pieds avec une force et une dextérité que je n’eusse pas attendues
d’elle, je lui demandai où diantre était Luc. Elle fixa alors sur moi ses
tendres yeux azuréens, puis elle me dit avec un soupir qu’elle ne le savait
mie, ajoutant que, de tout le jour, elle ne l’avait vu au château.
    Là-dessus, elle alla quérir dans ma chambre des chaussures
plus nettes et surtout plus propres assurément à marcher sur le tapis. Je la
quis alors de prier Madame de Bazimont de me venir encontrer céans, désirant
avoir avec elle un bec à bec. Perrette me fit alors une profonde révérence qui
me donna beaucoup à voir, son décolleté n’étant pas conçu pour décourager les
regardants. Et se relevant ensuite avec grâce, et me baillant au surcroît le
bel œil, elle s’en fut avec un joli balancement des hanches qui devait être
aussi agréable pour elle que pour moi, car elle ne pouvait ignorer que je le
suivais des yeux.
    À la vérité, lecteur, ce regard quasi machinal mis à part,
je ne savais que croire et que penser. À vue de nez, Perrette semblait être une
sorte de présent que me faisait Madame de Brézolles à son départir, afin que je
ne vécusse pas son absence comme moine escouillé en sa cellule. Mais si c’était
là une générosité, elle me retirait, si j’ose dire, d’une main ce qu’elle me
donnait de l’autre, car ce qu’elle m’ôtait – la créance où j’étais que
Madame de Brézolles avait un sentiment pour moi – l’emportait d’un million
de fois sur le cadeau qui me devait consoler de son absence.
    À tourner et retourner l’affaire dans mon esprit, je ne
trouvai qu’incertaineté : comment entendre que Madame de Brézolles qui
s’était montrée si suspicionneuse de mon penchant pour le gentil sesso ,
et qui m’avait baillé pour le service de ma chambre un valet plutôt qu’une
chambrière, fut devenue d’un coup assez indifférente à mon égard pour remplacer
Luc par une soubrette aussi frisquette que Perrette.
    J’en étais là de ces pensées incertaines,

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