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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avis du maître d’œuvre, ici présent.
    — Oh ! Maître d’œuvre ! dit le deuxième
homme, lequel était trapu et la face aussi rouge que celle d’un jambon, maître
d’œuvre est un bien grand mot ! Je suis le maçon et encore, un maçon qui
ne maçonne pas, puisque nous travaillons à pierres perdues.
    — Quelles pierres appelez-vous ainsi ? dis-je
alors.
    — Des pierres qui ne sont pas liées par du mortier,
mais tiennent l’une sur l’autre par leur poids et leur équilibre.
    — Et pourquoi, Monsieur, ne pas les lier avec du
mortier ?
    — Parce que nous ne pouvons travailler qu’à marée
basse, quand la baie se découvre et la marée haute revenant, le mortier serait
emporté par la montée du flot sans avoir le temps de sécher.
    — Vous ne liez donc pas ?
    — Si, Monsieur le Comte, mais avec la vase.
    — Et la vase n’est pas emportée ?
    — En partie oui, mais il en reste toujours assez, et la
vase est moins chère et plus accessible que le mortier. À part quelques rochers
ici et là, toute la baie n’est que vase. Il n’y a qu’à se baisser.
    — On dit, à Aytré, que vous travaillez nuit et jour sur
la digue.
    — C’est très flatteur de dire cela de nous, dit
l’ingénieur Métezeau avec un sourire, mais à la vérité, c’est que nous ne
pouvons travailler qu’à marée basse, quand la baie découvre, c’est-à-dire six
heures par jour. Ce n’est que lorsque la marée basse survient après le coucher
du soleil que nous travaillons la nuit.
    — Vous ne travaillez donc que six heures par jour, dit
Schomberg avec une nuance de désapprobation qui n’échappa ni à Métezeau ni à
Thiriot, lequel, de rouge, devint pourpre.
    — Le moyen, Monsieur le Maréchal, de faire
autrement ! dit Métezeau d’une voix égale et polie. La marée haute dure
six heures et nous ne pouvons pas travailler sous l’eau.
    — J’ajouterai, avec votre permission, Monsieur le
Maréchal, dit Thiriot avec une voix un peu moins suave, que ce travail-là est
si pénible que s’il durait plus de six heures, il excéderait les forces
humaines.
    — Monsieur Métezeau, dis-je, assez mécontent des
remarques que Schomberg venait de faire et qui me paraissaient fort déplacées,
vous construisez la digue en pierres. N’a-t-il pas été question au début de la
construire en bois ?
    — En effet, dit Métezeau, non sans ironie, c’était une
idée de l’ingénieur italien Pompeo Tagone, et ce n’était point une idée
neuve : ce qu’il proposait n’était rien d’autre, à bien voir, qu’une
estacade.
    — Et qu’est-ce qu’une estacade ? dis-je.
    — C’est une sorte de rempart marin dont on protège une flotte
au mouillage dans une baie pour éviter que, la nuit, des pinasses ou des
galères s’infiltrent entre les vaisseaux et y fassent le dégât. L’estacade est
faite de pontons, de poutres et de vieux mâts, liés ensemble par des chaînes et
des cordes. C’est là un vieil expédient bien connu des marins et qui dure ce
qu’il dure : le temps d’un mouillage.
    — Est-ce à dire qu’une tempête peut rompre des chaînes
de fer ?
    À cette question qu’il jugeait naïve, Métezeau réprima un
sourire et répondit avec une parfaite bonne grâce.
    — Une forte mer, Monsieur le Comte, peut rompre une
chaîne de fer aussi facilement qu’une corde de chanvre.
    — Et même plus facilement, dit Thiriot, car la corde de
chanvre possède une certaine élasticité que le fer ne possède pas.
    Là-dessus, Métezeau ne parut pas tout à plein d’accord, mais
se tint coi, ne voulant pas, à ce qu’il me sembla, contredire Thiriot devant le
maréchal.
    — Eh bien, dis-je, que se passa-t-il quand Tagone eut
construit son estacade ?
    — Eh bien, elle fut fort plaisante et confortante à
voir et à admirer pendant huit jours, et le neuvième jour, la tempête, à marée
montante, la mit en pièces.
    — Et Sa Majesté, dit Thiriot, renvoya Pompeo Tagone en
lui donnant dix mille écus. Jamais on ne vit aussi bien payé un ingénieur aussi
insuffisant.
    — Monsieur Thiriot, dit Schomberg roidement, ne
critiquez pas le roi !
    — Monsieur le Maréchal, dit Thiriot en s’empourprant
derechef, loin de moi la pensée de critiquer Sa Majesté…
    — Monsieur Métezeau, enchaînai-je aussitôt, quelles
dimensions a la digue que vous êtes en train de construire ?
    — Elle est large de huit toises [33] à la base et de quatre toises au
sommet. Sauf

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