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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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douteuses et
confuses quand apparut, à pas menus et comptés, Madame de Bazimont. Elle devait
ce « de » à une terre que son mari avait achetée avec l’épargne de
toute une vie : procédé fort courant que nos gentils nobles appellent
méchamment « une savonnette à vilain ». Cependant, Madame de
Bazimont, n’osant pas aller jusqu’au bout de ses prétentions, portait, comme
j’ai dit déjà, vin cotillon si étoffé qu’il ressemblait à un vertugadin, sans
en être un tout à fait : petite vanité sur laquelle Madame de Brézolles
clignait doucement les yeux, ne voulant pas rabaisser une personne qui, depuis
tant d’années, la servait si bien et avec tant d’amour.
    Dès qu’elle me vit, Madame de Bazimont vint à moi aussi
promptement que lui permettaient son âge et ses jambes, et me faisant de prime
une demi-révérence, ses genoux ne lui permettant pas de faire plus, elle
m’assura qu’elle était tout entière dévouée à mes ordres. Comme j’observais
qu’elle était accompagnée d’un petit page sur l’épaule de qui elle s’appuyait
pour faciliter sa marche, je la priai de s’asseoir. Elle refusa de prime d’un
air quelque peu confus. Mais, sur mon insistance, elle finit par consentir avec
un grand merci. Elle me parut fort chenue, mais l’œil vif et bon, l’esprit plus
alerte que les jambes et, en outre, le cœur sans malice aucune et ouvert à la
gratitude comme elle me le montra aussitôt, étant si heureuse que je lui eusse
demandé de prendre place.
    — Madame, dis-je, il était entendu avec Madame de
Brézolles que je paierais de mes deniers l’entretien de mes Suisses, mais
considérant qu’à son départir pour Nantes, elle n’a emmené avec elle que
Monsieur de Vignevieille et deux de ses chambrières, et non l’ensemble de son
domestique, lequel elle n’a laissé céans que pour me servir, je pense qu’il serait
équitable que je paye les gages de vos gens. À tout le moins tout le temps que
je serai céans. Ainsi ferai-je à la fin de ce mois, avec votre agrément.
    — Monsieur le Comte, dit Madame de Bazimont, ce n’est
point tant mon agrément qu’il vous faut obtenir que celui de ma maîtresse.
Aussi vais-je lui écrire incontinent à Nantes pour la consulter là-dessus.
    — Eh bien, faites-le, Madame (elle parut fort heureuse
d’être une deuxième fois « madamée »), mais en attendant sa réponse,
mon écuyer vous remettra les pécunes qu’il y faut, pour peu que vous lui en
indiquiez le montant.
    À quoi, avec mille mercis, elle acquiesça.
    — Madame, repris-je, j’ai une question encore à vous
poser. Comment se fait-il que Luc ait été remplacé par Perrette après le
département de Madame de Brézolles ? Est-ce Madame de Brézolles qui l’a
ordonné ainsi ?
    — Nullement, Monsieur le Comte. Mais, Madame étant à
Nantes, elle ne pouvait pas prévoir que Luc, ce matin même, allait être saisi
d’une forte fièvre, avec toux et faiblesse.
    — Pauvre Luc ! L’avez-vous fait soigner ?
    — Assurément, Monsieur le Comte, dit Madame de Bazimont
en portant haut la crête, nous ne sommes pas céans de ces grandes maisons qui,
lorsque quelqu’un de leur domestique est mal allant, le jettent à la rue sans
autre forme de procès. Quiconque souffre à Brézolles d’une intempérie, fut-ce
le dernier des valets d’écurie, est bien assuré que Madame la Marquise
appellera incontinent pour lui un médecin et paiera et le médecin et les
drogues qu’il aura commandées. Et c’est bien ce que j’ai fait pour lui.
    — Et qu’a dit le médecin ?
    — Ma fé, dit Madame de Bazimont, comme il l’a dit en
latin, je n’y ai entendu goutte.
    — Et qu’a-t-il fait ?
    — Il a saigné Luc et l’a mis à la diète.
    — Il l’a donc deux fois affaibli, dis-je, me ramentevant
des bonnes leçons de mon père. Madame de Bazimont, je désire voir Luc.
    — C’est que, Monsieur le Comte, moi-même je n’ose pas
entrer dans la chambre de ce pauvre garcelet, craignant que l’air qui s’y
trouve ne m’insuffle son intempérie.
    — Madame, dis-je, rien ne vous oblige à y mettre le
pied. J’entrerai seul. De grâce, Madame, conduisez-moi.
    — Monsieur le Comte, pour dire le vrai, je crains, ce
faisant, d’encourir la colère de Madame de Brézolles, laquelle m’a bien
recommandé de prendre de vous le plus grand soin.
    — Voilà qui est de sa part fort aimable, dis-je, me
baillant peine pour dissimuler la

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