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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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comte d’Orbieu. Il est
entendu avec le corps de la ville de La Rochelle que je dois vous demander
l’entrant ce jour sur le coup de onze heures.
    — Et à quelle fin ? dit Sanceaux.
    — Afin que je puisse visiter Madame la duchesse de
Rohan, laquelle est consentante à cet entretien.
    — Et qu’avez-vous à lui dire ?
    — Je lui porte un message de la part du roi.
    — Nous allons faire descendre une corde au bout de
laquelle je vous prie d’attacher ce message.
    — Capitaine, ce n’est pas possible. C’est un message
oral.
    — Dans ce cas, dit Sanceaux du ton le plus malengroin,
dites-moi ce qu’il en est de son contenu.
    — Capitaine, il serait messéant que je ne réserve pas à
Madame la duchesse de Rohan la primeur de ce message. Libre à elle ensuite d’en
répéter la teneur au maire, au corps de ville, et à vous-même.
    — Si je ne suis pas informé sur l’heure, dit Sanceaux,
je ne vous donnerai pas l’entrant. Je ne veux pas qu’une négociation secrète me
passe sous le nez sans que j’en sois averti.
    — Capitaine, ce n’est pas une négociation, mais un
message personnel du roi à sa cousine. Le maire et le corps de ville vous ont
sûrement informé qu’ils m’avaient accordé l’entrant.
    — Nous sommes en guerre, dit Sanceaux. Je commande la
Tour de Trasdon et n’en ouvre pas la porte sans savoir de quoi il s’agit.
    — Capitaine, dis-je avec une angélique patience et du
ton le plus poli, dois-je le répéter ? Je suis le messager du roi à qui le
maire et le corps de ville de La Rochelle ont consenti l’entrant, afin que je
puisse apporter un message oral à Madame la duchesse de Rohan.
    À ce moment, je vis un quidam sur les remparts s’approcher
de Sanceaux et lui parler à voix basse à l’oreille. Après quoi Sanceaux
disparut et le quidam, sans dire mot ni miette, me fit un signe amical qui
paraissait annoncer qu’on allait enfin me donner l’entrant. Nicolas poussa
alors sa monture au niveau de la mienne et, se penchant, me dit à
l’oreille :
    — Ce Sanceaux est bien, mais si on supprimait la
première syllabe de son nom, il serait mieux encore.
    — Pis que cela, Nicolas ! dis-je, sotto voce. Le
sire est bien pis qu’un sot. C’est un important , espèce fort
pernicieuse, car les importants sont si à cheval sur ce qui leur est dû,
qu’ils se piquent pour des riens, et peuvent alors se porter à des décisions
qui, pour être stupides, n’en sont pas moins parfois infiniment nuisibles.
    Comme j’achevais, la porte du Fort de Trasdon s’ouvrit avec
une lenteur majestueuse et dès que nous fûmes intra muros, un fort
groupe de gendarmes entoura nos chevaux, mais sans nous montrer la moindre
hostilité. D’autres tenaient à distance la foule des Rochelais, laquelle
accourut aux nouvelles, croyant peut-être à une proche paix. L’un de ces
regardants qui me parut être un bourgeois bien garni me salua courtoisement de
prime et quit de moi, d’une voix fort polie :
    — Monsieur, venez-vous pour traiter avec nous ?
    À mon tour, je lui tirai alors fort gravement mon chapeau.
    — Non, Monsieur, je n’ai pas ce pouvoir. Je suis céans
pour visiter Madame la duchesse de Rohan et lui porter un message de la part du
roi.
    Une voix plus rude s’éleva alors parmi les survenants dont
le nombre, à chaque minute, grossissait.
    — Monsieur, cria cette voix dont les intonations
n’étaient pas des plus raffinées. Si vous touchez à un seul cheveu de Madame la
duchesse, nous vous mettrons en pièces.
    Cette discourtoise menace provoqua de vives protestations
incontinent chez le gros des Rochelais. Je noulus cependant la laisser passer
sans y répliquer et, me dressant sur mes étriers, je dis d’une voix
forte :
    — Monsieur, je ne suis pas céans pour faire du mal à
qui que ce soit. Et moins encore à Madame la duchesse de Rohan dont je respecte
la personne et vénère le courage.
    Il y eut alors un murmure d’approbation dans la foule, et un
personnage chenu et barbu, s’approchant de moi, me dit d’une voix douce :
    — Monsieur le Comte, je suis un des secrétaires du
corps de ville. C’est moi qui ai convaincu le capitaine Sanceaux de vous donner
l’entrant. Avec votre permission, je vous conduirai sans tant languir jusqu’à
la demeure de Madame la duchesse de Rohan.
    Ce qu’il fit en me précédant, mais sans tenir la bride de ma
jument, ce qui eût pu être périlleux, mon Accla ayant la bouche si sensible.

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