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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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déprisant :
    — Mais quoi ! Faire la guerre aux femmes et aux
enfants ! N’est-ce pas là une chose de la dernière cruauté ?
    — Madame, dis-je, tous les assiégeants en sont
là ! Votre noble fils lui-même, quand il assiège une ville catholique dans
le Languedoc, en est réduit à cette même cruauté, quelle que soit la bénignité
de son cœur.
    Cette remarque piqua Madame de Rohan au plus vif pour deux
raisons. De prime parce qu’elle était sans réplique, mais surtout parce qu’elle
mettait en cause son fils aîné qu’elle chérissait bien au-dessus de ses autres
enfants. Anne, en revanche, détournant la tête, eut un petit sourire qui me
donna à penser qu’elle avait quelque raison pour ne pas affectionner le duc
régnant, comme les lois et les us de cette puissante famille le commandaient.
    — Comte, dit Madame de Rohan avec un petit brillement
de l’œil qui n’était pas cette fois des plus doux, il me semble que le roi
ayant rejeté ma requête, notre entretien touche à sa fin.
    Cependant, elle ne dit pas qu’il était terminé, et ne
paraissait pas non plus pressée de nous donner notre congé, prenant, se peut,
quelque plaisir à cette visite de deux gentilshommes dans la morne monotonie de
ses jours.
    — Madame, dis-je, plaise à vous de me faire la grâce de
m’ouïr plus avant, le roi désirant, par mon truchement, faire une offre qui
concerne votre personne.
    À ces mots, elle s’adoucit prou, et avant que de me dire
« oui », elle appela son maggiordomo et lui commanda de
glisser un coussin entre le dossier de sa chaire à bras et son dos, lequel,
dit-elle, la doulait fort. Pendant qu’elle était ainsi occupée à cet
ajustement, je jetai un regard à Mademoiselle de Foliange et à Nicolas. Leurs
yeux étaient si emmêlés qu’on se demandait comment ils allaient faire pour les
démêler, quand Nicolas, à ma suite, devrait quitter ce lieu si enchanteur. Sans
doute, Mademoiselle de Foliange pensait-elle de son côté qu’une bonne fée
allait apparaître qui, d’un coup de baguette magique, la rendrait invisible,
afin qu’elle pût, sans être aperçue, monter en croupe sur le cheval de Nicolas
et s’en aller avec lui hors la guerre vers les douces félicités que leurs
regards s’étaient promis.
    — Comte, dit Madame de Rohan, baignant dans sa
bénignité première, vous êtes un gentilhomme courtois et de si bonne mine que
je vous écouterais volontiers jusqu’à la fin du jour, si je n’étais pressée par
mes obligations, le corps de ville me devant visiter sur le coup de midi.
Cependant nous en sommes loin encore. De grâce, Comte, parlez !
    — Madame, dis-je, le roi n’oublie pas qu’il est votre
cousin, et souffre mal les privations et les périls que vous affrontez. Il vous
fait dire par mon truchement que si votre pâtiment devient tel et si grand
qu’il puisse mettre votre vie en danger, il serait heureux de vous bailler un
sauf-conduit qui vous permettrait de traverser le camp et de vous retirer loin
des canonnades dans un château de votre choix.
    — Comte, dit Madame de Rohan, de grâce, remerciez le
roi de sa bonne pensée. Mais mon choix a été fait dès le début de cette
épreuve : je désire partager jusqu’au bout le sort des Rochelais et je
demeurerai avec eux jusqu’à la fin et, s’il le faut, jusqu’à la mort, si le
Seigneur en décide ainsi…
    À vrai dire, je trouvais qu’au terme de cet entretien, elle
se drapait un peu trop dans le peplum de l’héroïsme. Mais après tout,
dans toute vaillance, il y a une part de théâtre…
    Pour le coup, elle me donnait mon congé, mais elle me le
donnait noblement. Et Madame de Rohan, vivant ce qu’elle disait, sa résolution
n’allait pas sans grandeur.
    Je la saluai ainsi que sa fille et Mademoiselle de Foliange
en mettant dans mon salut non seulement du respect, mais de l’affection, me
sentant bien marri de les quitter pour retourner dans mon camp de soldats,
ayant le sentiment d’être privé, je dirais presque sevré de cette douce
présence féminine sans laquelle notre vie sur terre ne serait qu’un morne
désert.
    Mon pauvre Nicolas, presque aveugle pour avoir quitté les
beaux yeux qui illuminaient depuis une petite heure sa jeune vie, marchait de
façon quasi titubante et trébucha dans l’escalier, en grand danger de choir, si
je ne l’avais retenu par le bras. Je fus tout content de retrouver Gilles
Arnaud dans le vestibule, et dès qu’il m’eut

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