La grande déesse
celle de Sireuil (Dordogne), celle de Tursac (Dordogne), ainsi que la gravure de la grotte de Pech-Merle, à Cabrerets (Lot), laquelle remonte peut-être à l’époque précédente, c’est-à-dire à l’aurignacien (de – 30 000 à – 25 000).
Le terme de Vénus qu’on attribue à ces figures paraît certes un peu surprenant, car ce qui les caractérise, c’est la monstruosité de leurs formes. La Vénus de Lespugue est une statuette d’ivoire d’une hauteur de quinze centimètres. Le visage est ovale, sans aucun trait, comme si le sculpteur avait voulu montrer que l’essentiel n’était pas là. Le cou est très long, surplombant un thorax plat dont les bras minces et accolés se rejoignent au-dessus de l’énorme masse des seins, lesquels s’étalent très bas sur un ventre rebondi. Vue de dos, la statuette présente deux énormes volumes englobant les hanches et les fesses, et qui débordent de chaque côté du corps, dominant des cuisses très serrées et minces par rapport au reste, se terminant par des jambes très fines et sans pieds. L’ensemble est absolument fascinant, et c’est probablement ce que cherchait le sculpteur par cette accumulation d’exagérations.
On a beaucoup commenté ces représentations, en insistant, trop peut-être, sur la symbolique de la fécondité : les parties corporelles liées à la maternité, seins, ventre et hanches, sont évidemment mises en relief ; mais les fesses également, et dans certaines statuettes, comme celle de Monpazier, le sexe, avec tout ce que cela comporte de connotations. La Vénus de Monpazier est certainement celle qui pose le plus de problèmes quant à la nature exacte de ces représentations féminines, et il est bon de redire, après Leroi-Gourhan, que nous en sommes réduits à des hypothèses sur le « sens profond que les paléolithiques donnaient à leurs Vénus qui pouvaient aussi bien être des Junon ou des Proserpine ». Car si Junon-Héra représente incontestablement la Mère divine, Proserpine-Perséphone, souvent confondue avec Hécate, a plutôt l’aspect d’une déesse nocturne, sensuelle, dévoreuse et terrifiante.
La Vénus de Monpazier est en effet sur le modèle de celle de Lespugue. La tête est pareillement aveugle, le cou moins long, les seins moins abondants, mais quand on l’examine de profil, on est frappé par l’énormité du ventre et par la cambrure qui met particulièrement en valeur des fesses saillantes mais petites par rapport à l’ensemble. Or, si on la regarde de face, on ne peut manquer de constater l’importance donnée à l’ouverture de la vulve, qui est grossie démesurément. On ne peut tenter une explication que par une comparaison avec ces étranges figurations féminines d’Irlande et de Grande-Bretagne auxquelles on attribue le nom générique (en gaélique) de Sheela-na-Gig : ce sont des représentations relativement récentes que l’on découvre dans les églises , sur des chapiteaux romans ou préromans, mais qui paraissent reproduire un modèle beaucoup plus ancien hérité de l’Antiquité druidique et, par là, renvoyer à une époque plus lointaine. Le type courant de ces Sheela-na-Gigs consiste en une forme féminine dont l’aspect est souvent terrifiant, et dont les mains écartent délibérément les lèvres vaginales de façon à bien montrer l’ouverture béante du sexe. Le plus bel et le plus caractéristique exemplaire en est certainement celle qui se trouve dans l’église de Kilpeck, dans le comté d’Hereford (Grande-Bretagne), mais il en existe d’innombrables sur tout le territoire irlandais. Et là encore, on parle de fécondité quand on abandonne l’idée qu’il s’agit d’une allégorie de l’horrible péché de luxure. Mais « il n’y a aucune tradition, aucune légende associée aux Sheelas pour appuyer cette hypothèse. Il est d’ailleurs possible qu’elles aient été oubliées au cours des siècles. Mais comme elles sont placées généralement en hauteur (dans les églises ou sur les murs extérieurs des bâtiments) […] il est possible de proposer une fonction apotropaïque : la protection contre le mal ou une attaque ennemie 22 ».
Il semble pourtant que la Sheela-na-Gig ne soit ni un « épouvantail » destiné à faire fuir des ennemis en tout genre, ni une image symbolique et effrayante de la sexualité culpabilisée, ni une représentation simpliste de la fécondité en tant que mode de reproduction. S’il n’existe
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