La grande déesse
hideux que par la difformité de ses statues, elle est hideuse par la cruauté de ses mystères. Lui n’a de membres superflus qu’en effigie. Elle mutile réellement les membres humains. Les désordres, les incestes de Jupiter sont en dessous de cette infamie. Séducteur de tant de femmes, Jupiter ne déshonore le ciel que du seul Ganymède, mais elle, par ses efféminés de profession, souille la terre et outrage les cieux.” Saint Augustin fait ici allusion aux galles, ces prêtres qui se travestissent en femmes et se châtrent même comme l’a fait leur modèle Attis. Mais, ce faisant, l’évêque d’Hippone oublie que, dans le cadre du christianisme officiel, les prêtres se châtrent moralement et symboliquement en acceptant de renoncer à toute activité sexuelle. Le culte de Cybèle ne manque pourtant pas de points communs avec la religion chrétienne. Le sacrifice du Fils qui meurt et ressuscite ne fait pas défaut à cette dernière. La Grande Mère ne manque pas non plus, mais sa figure se scinde en celle de la Vierge, mère douloureuse, et celle du Dieu terrible qui voue son fils à la mort. Mais sans doute est-ce en raison de ces analogies même que le culte de Cybèle et d’Attis fut si violemment attaqué par les premiers chrétiens 18 . »
Au fond, la grande vérité en ce domaine est celle si magnifiquement exprimée par Gérard de Nerval dans Les Chimères : « La treizième revient, c’est encore la première… »
IMAGES ET SANCTUAIRES
Notre-Dame-des-Commencements
Le paléolithique
Depuis près de quatre mille ans, nous vivons, intellectuellement du moins, sous le joug d’une incroyable imposture : celle qui fait du soleil l’image symbolique d’une virilité créatrice et toute-puissante. Or, si l’on examine avec attention les données archéologiques les plus anciennes et qu’on les confronte avec les schémas mythologiques issus d’une mémoire collective qui n’oublie rien, on s’aperçoit que cette imposture est le résultat d’un bouleversement socioculturel, opéré à des dates variables selon les divers espaces géographiques, en fait un renversement de polarité où l’individu mâle a commencé à dominer la femme et à enfouir l’image de celle-ci au fin fond de son inconscient, avec toute la charge négative que cela pouvait entraîner. En un mot, cette imposture, qui est aussi une authentique escroquerie, n’est qu’une tentative de justification des sociétés patriarcales par l’affirmation gratuite de la supériorité de l’homme sur la femme, postulat indémontrable et qui est contredit aussi bien par les faits archéologiques que par l’analyse des traditions les plus anciennes de l’humanité.
Les exemples sont innombrables. Au Japon, c’est une déesse qui préside à la course du soleil et qui finit par s’identifier à l’astre en vertu d’un processus de concrétisation bien connu. Chez les Scythes, c’est la redoutable Artémis de Tauride qui a tant impressionné les dramaturges grecs, et que l’on retrouve dans la légende des Nartes, si merveilleusement mise en lumière par Georges Dumézil, sous le nom – déjà plus ou moins « diabolisé » – de Sathana. Chez les Germano-Scandinaves, c’est la valkyrie Sigrdrifa, autrefois présentée sous la forme d’un cygne et devenue Brynhild endormie dans un château aérien entouré de murailles de flammes. Chez les Celtes, c’est une mystérieuse femme-soleil rayonnante qui se retrouve sous les traits de l’héroïne irlandaise Grainné, dont le nom provient du gaélique grian , « soleil », et qui est le prototype d’Iseut la blonde. D’ailleurs, n’est-il pas significatif de constater que, dans les langues germaniques et les langues celtiques actuelles, le soleil est toujours du genre féminin tandis que la lune est masculine ? Il est bien dit que Tristan, l’homme-lune, ne peut vivre plus d’un mois sans avoir de contacts physiques avec Iseut, la femme-soleil. On en a déduit que, par son cycle menstruel, la femme était liée aux lunaisons. C’est exact, mais il y a contresens lorsqu’on identifie la femme à la lune. Car le cycle menstruel de la femme n’existe que durant les années où elle est pleinement femme, donc féconde, donc fécondable par l’homme. Où est le lien avec la lune pour la fille impubère ou pour la femme ménopausée ? Tout cela est terriblement réducteur.
La Bible hébraïque, on l’a vu, témoigne de ces luttes
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