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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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mais aussi au brouillard qui empêcha les artilleurs allemands de repointer leurs
pièces une fois que les batteries anglaises s’étaient déplacées. Les premières
et deuxièmes lignes britanniques furent également fortement éprouvées par le
pilonnage chimique répété dont elles furent la cible. Le saillant de Cambrai,
malgré les tirs intensifs au sulfure d’éthyle dichloré, résista à la poussée
allemande. Il est probable que l’épais brouillard qui régnait ce matin-là sur
le champ de bataille ainsi que le très léger vent d’ouest (moins de 1 m/s)
qui soufflait en direction des lignes allemandes ne favorisèrent pas l’action
des gaz. Globalement, à la fin de la journée du 21 mars, et même si l’offensive
était un succès, les objectifs assignés à l’attaque étaient loin d’être
atteints.
    Si l’on considère l’ensemble des obus tirés lors de la première
journée de Michael, le pourcentage des obus chimiques s’éleva à environ 25 %,
et peut-être même 30 %. Une proportion aussi élevée de munitions chimiques
lors d’une opération de cette envergure fut un fait unique. Jamais l’arme
chimique n’avait occupé une place aussi importante dans une telle bataille. D’une
formule laconique Ludendorff consacra dans ses mémoires la place dévolue
désormais à l’artillerie chimique dans les opérations offensives planifiées
pour le printemps 1918 : « Notre artillerie se repose maintenant
sur les gaz pour produire ses effets (…). » [640]
    Une fois le constat quantitatif évoqué, il reste à trancher
le constat qualitatif. Aujourd’hui encore, il est difficile d’évaluer l’avantage
conféré lors de ces offensives par le Buntkreuzschiessen. Si l’on excepte le
formidable pouvoir d’attrition sur les fantassins ennemis et les tirs de
contre-batteries où l’ypérite se révélait incomparable, il est probable que l’offensive
allemande eût été victorieuse sans l’usage extensif des gaz tant fut dévastatrice
la violence de la poussée allemande. En certains endroits de la bataille, les
défenseurs durent se battre dans des proportions de un contre quatre. De
nombreux témoignages contemporains corroborent cette thèse en soulignant que si
l’utilisation des gaz lors de Michael fut un avantage certain, cela ne fut en
aucun cas un avantage décisif [641] . Lors des
quatres offensives majeures (Georgette, Blücher-York, Gneisenau et Marneschütz)
qui suivirent Michael entre le 9 avril et le 17 juillet, les mêmes
tactiques chimiques furent appliquées par les stratèges allemands [642] .
Confirmant la place désormais déterminante de l’artillerie chimique, l’armée
allemande se dota, le 16 juin 1918, par un ordre signé de la main de
Ludendorff, d’une cellule chimique au sein de l’état-major de l’artillerie de l’OHL.
Cette décision confirmait et entérinait une évolution profonde.
    De ces développements militaires prit naissance une
véritable doctrine d’emploi de l’arme chimique en situation de mobilité
offensive. Elle était grossièrement la suivante : « Les positions
convoitées subissaient au cours d’une phase initiale un pilonnage chimique bref
et massif au moyen d’agents létaux non persistants dont les effets s’étaient
dissipés au moment de l’assaut. Les axes de ravitaillement et de communication
étaient bombardés à l’aide d’agents persistants afin d’entraver durablement l’organisation
de l’ennemi en contaminant la zone dans laquelle il était appelé à se mouvoir.
Une fois la progression entamée, les flancs de l’attaque étaient soumis à des
tirs d’agents persistants pour dresser une bande de terrain infranchissable et
donc inutilisable pour lancer une contre-attaque. » [643] Le gaz moutarde
fut un auxiliaire précieux de cette technique défensive dans l’offensive. Ses
caractéristiques en faisaient le vecteur idéal d’une défense de zone, fort
utile lors d’offensives de grande envergure. Le 31 juillet 1918, à l’ouest
de Verdun, les artilleurs allemands tirèrent près de 340 000 obus croix jaune pour tenter d’enrayer en vain une attaque franco-canadienne.
    Lors des onze derniers mois du conflit, sur la totalité des
obus tirés par l’artillerie allemande, près de 28 % contenaient des
substances chimiques. Au cours des dernières semaines, cette proportion
augmenta encore puisque, au mois de juillet 1918, les batteries allemandes
tiraient en certaines

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