La grande guerre chimique : 1914-1918
(littéralement
« feu roulant ») et destinée à dénier à l’adversaire la capacité de
riposte lors d’une attaque de l’infanterie allemande. Ce pilonnage consistait
en un barrage chimique extrêmement intense de quelques minutes [637] .
Cette technique s’était révélée très efficace contre l’armée russe. En France,
lors des offensives du printemps 1918 et quand les conditions
météorologiques étaient favorables, l’infanterie allemande progressait entre
250 et 350 m derrière le Feuerwalze et parvenait sur les positions
ennemies avant que ses occupants ne puissent reprendre leurs postes de combat.
Il fut décidé, lors des réunions d’états-majors destinées à préparer Michael,
qu’en raison de l’abondance des approvisionnements, l’artillerie adopterait un
ratio obus conventionnels/obus chimiques de 50/50 pour les tirs sur les lignes
ennemies et 20/80 pour les tirs de contre-batteries.
L’offensive allemande du 21 mars 1918 (Michael)
comprenait une phase préparatoire d’une dizaine de jours destinée à préparer et
encadrer la formidable attaque ordonnée par Ludendorff. Du 9 au 19 mars,
les positions britanniques comprises entre Arras et Ypres furent pilonnées aux
obus croix jaune et croix bleue. Entre le 10 et le 13 mars,
le saillant de Cambrai, tenu par la V e armée britannique, fut
arrosé de 150 000 obus croix jaune destinés à interdire
toute velléité de contre-offensive alliée à partir de cette position. Entre le
9 et le 16 mars, les services médicaux des III e et V e armées
britanniques soignèrent près de 6 200 victimes des gaz plus ou moins
gravement atteintes [638] .
Plus l’heure de l’offensive approchait, plus Ludendorff semblait nerveux. Le
succès de l’offensive reposait largement sur la capacité des gaz à réduire les
défenses ennemies, mais la météorologie semblait très défavorable à un
rendement optimum des armes chimiques. Il plut pendant la journée du 19 et dans
la matinée du 20 mars, ce qui ne fit cependant pas cesser les pilonnages
chimiques sur les arrières des lignes alliées. Enfin, le 20 mars vers
midi, un bulletin météorologique favorable permit à Ludendorff de donner l’ordre
d’attaque [639] .
La bataille s’engagea le 21 mars 1918 à 4 h 40
quand près de 1 750 batteries déversèrent un fantastique déluge de
feu sur un front de 110 km. Les instructions aux artilleurs, conformément
aux techniques élaborées par Georg Bruchmüller, étaient les suivantes :
a) de 4 h 40 à 6 h 40, cadence de tir maximale de
toutes les pièces sur les cibles importantes préalablement désignées. Le ratio obus
chimiques/obus conventionnels s’élevait pendant ces deux premières heures à
20/80. b) De 6 h 40 à 1 h 10, tirs intermittents
par tranches de 10 minutes des groupes d’artillerie sur les premières
lignes ennemies, c) De 7 h 10 à 8 h 20, tir
continu sur les batteries ennemies, les cibles éloignées et les défenses
fortifiées de l’infanterie. Tir intensif à l’ypérite sur le saillant de Cambrai
et sur les positions occupées par la II e armée britannique dans
la région d’Ypres (de 7 h 40 à 7 h 55, pilonnage des
positions comprises entre les premières et les deuxièmes lignes ennemies avec
des obus croix bleue et des obus conventionnels dans des
proportions égales), d) De 8 h 20 à 9 h 35,
mêmes consignes que pendant la période précédente, e) De 9 h 35
à 9 h 40, cadence de tir maximale sur toutes les cibles avec des obus
explosifs conventionnels.
Vers 9 h 40, après cinq heures de
Buntkreuzschiessen méthodique, le Feuerwalze commença sa destructrice
progression vers les lignes alliées, suivi 300 à 400 m en arrière par l’infanterie
allemande. La partie la plus avancée du Feuerwalze était composée d’obus croix bleue et jusqu’à 11 heures, les attaques par projecteurs et les
bombardements chimiques continuèrent sur les objectifs majeurs. Au terme de la
première journée de l’offensive, les gains tactiques obtenus par la technique
élaborée par Georg Bruchmüller offraient un visage contrasté. Certes l’artillerie
britannique fut partiellement réduite au silence par les tirs de gaz moutarde,
et près de 400 pièces sur un total de 2 700 furent capturées.
Néanmoins, ce chiffre était loin des objectifs initiaux allemands. Il semble
que cet échec soit partiellement imputable aux défauts des obus croix bleue
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