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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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recherche dirigé par les P rs  Kling
et Florentin, destiné à évaluer l’intérêt de l’utilisation potentielle de ces
gaz dans des opérations de maintien de l’ordre [59] .
    En cette fin du XIX e  siècle, la perspective
immédiate de voir se répandre les affres d’une guerre chimique flottait, tel un
spectre, sur les guerres futures au point que la plupart des nations
européennes ressentirent le besoin d’instaurer des régimes juridiques prohibant
l’usage de procédés jugés contraires aux lois de la guerre. Dès 1874, la
Déclaration de Bruxelles, qui ne fut cependant pas ratifiée, interdisait l’utilisation
de poisons ou d’armes empoisonnées. Le 29 juillet 1899, une
convention, signée à la conférence internationale de la paix de La Haye,
prohibait « l’utilisation de projectiles dont le seul objectif est de
diffuser des gaz asphyxiants ou délétères ». Le but de la première
conférence [60] ,
organisée à l’initiative de Nicolas II, n’était pas véritablement de
limiter la violence et la cruauté de la guerre mais plutôt de prévenir l’apparition
de nouvelles armes. Le capitaine Alfred Thayer Mahan, représentant les
États-Unis lors des négociations, fit cependant remarquer au moment de statuer
sur le sort de l’arme chimique qu’il ne considérait pas plus inhumain de
torpiller un navire et de condamner ainsi son équipage à une mort atroce que de
gazer des fantassins sur un champ de bataille [61] . De plus, la
Convention de 1899 n’avait aucun caractère contraignant, n’instaurait aucune
procédure de contrôle et devenait, de fait, une simple déclaration d’intention
des 36 signataires au nombre desquels se trouvaient la France, l’Allemagne,
et la Russie. Parmi les grandes puissances, seuls les États-Unis et la
Grande-Bretagne refusèrent d’adhérer à ladite convention [62] . Huit années plus
tard, en 1907, une nouvelle convention internationale signée également dans la
capitale des Pays-Bas interdisait, en temps de guerre, « l’emploi du
poison ou des armes empoisonnées » [63] , et « d’employer
des armes, des projectiles ou des matières propres à causer des maux superflus » [64] .
En 1914, ce texte avait été ratifié par l’ensemble des parties au conflit [65] .
    À la veille du premier conflit mondial, l’arme chimique ne
représentait donc pas, loin s’en faut, une nouveauté dans l’art de la guerre,
même si les nombreuses tentatives recensées en la matière relèvent surtout de l’anecdote.
La véritable guerre chimique vit le jour en 1915 au cours d’un conflit dès lors
marqué par l’utilisation massive de procédés et d’armes auparavant unanimement
condamnés par le droit coutumier de la guerre. Ces armes se caractérisent par
un emploi désormais intensif et un perfectionnement technique croissant. Il
conviendra donc, dans le cadre de cette étude, et en écho à notre introduction,
de déterminer si l’on doit l’apparition massive des armes chimiques sur le
théâtre des opérations aux seuls progrès de la chimie organique au cours du XIX e  siècle,
à des considérations plus polémologiques liées à la totalisation du phénomène
guerrier, voire à des facteurs plus tactiques spécifiques à la Grande Guerre et
à ses développements militaires.

CHAPITRE PREMIER

Les raisons d’une impasse
    « Attaquons, attaquons, comme (…) la lune ! »
Général Charles Lanzerac [66] .
    Avant d’étudier l’avènement et l’essor des armes chimiques
au cours de la guerre, il semble indispensable d’évoquer la situation militaire
et stratégique non seulement à l’aube du premier conflit mondial mais aussi
lors des quelques mois qui précédèrent l’apparition des gaz sur le champ de
bataille. Nous le verrons, cette étude préliminaire peut sans aucun doute
contribuer à notre compréhension de l’émergence de cette nouvelle forme de la
guerre. De fait, il paraît nécessaire d’aborder, même de manière succincte, les
facteurs qui ont conduit à la formidable déconvenue tactique de l’automne 1914
lors de la stabilisation des fronts. L’ampleur de ce traumatisme au sein des
états-majors des belligérants éclaire remarquablement le sens profond de la
tentative chimique. Les rares études historiques consacrées à la guerre
chimique éludent trop rapidement cette question. Il importe de replacer l’apparition
de l’arme chimique dans son contexte polémologique ; il n’est pas

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