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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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possible
d’étudier l’évolution d’une telle arme de manière exclusive et uniquement
technique. De plus, un certain nombre d’autres facteurs de nature exogène,
notamment sociaux, politiques et scientifiques, ont concouru à l’apparition des
armes chimiques sur les champs de bataille de la Grande Guerre.
Les stratégies française et allemande à la veille du conflit
    Les militaires français et allemands se préparaient depuis
bien longtemps à un conflit éventuel lorsque celui-ci éclata en août 1914.
Ils « étaient convaincus que cette guerre, présumée brève, serait l’application
de plans déjà élaborés. Tant du côté allemand que du côté français, on
envisageait une guerre offensive, et non l’attente passive de l’adversaire qui
avait valu à l’armée impériale le désastre de 1870 » [67] . La période qui s’étendit
de 1870 à 1914 vit, au sein des cercles militaires, de part et d’autre du Rhin,
l’essor de ce que Stephen Van Evera a si judicieusement qualifié de « culte
de l’offensive » [68] .
Non contente de contribuer à l’éclatement du conflit, cette évolution prononcée
de la pensée stratégique vers une véritable frénésie offensive mena à un
aveuglement tactique dont le prix à payer furent les massacres qui marquèrent
les premiers mois du conflit. Nous nous contenterons d’exposer de manière
relativement succincte le contexte militaire, tant stratégique que doctrinal,
qui façonna, entre 1870 et 1914, l’état d’esprit et la posture avec lesquels
les armées belligérantes entrèrent dans la guerre.
L’école française ou la mystique de l’offensive
    La pensée stratégique française à la veille de la Grande
Guerre fut marquée par deux figures emblématiques : Charles Du Picq
et Ferdinand Foch. L’ouvrage du premier, les cours dispensés à l’École
supérieure de guerre (ESG) par le second, contribuèrent à développer au sein
des institutions militaires françaises un irréfragable culte de l’offensive [69] .
    De par son originalité et son approche parfois mystique,
Charles Du Picq [70] ,
bien que tué à la tête de son régiment lors de la guerre de 1870, joua un rôle
prépondérant dans la formation intellectuelle des officiers français au cours
des quelques années qui précédèrent la Grande Guerre. Dans son unique ouvrage,
publié en 1902 [71] et dont l’influence fut considérable, Du Picq défendait une approche
historique de la pensée stratégique [72] .
Cette démarche, affirmait-il, permettait de tirer deux leçons fondamentales :
d’une part, « le cœur humain est le point de départ en toutes choses de la
guerre » [73] et, d’autre part, le vainqueur n’est pas forcément celui qui dispose des
meilleures armes ou des meilleurs guerriers. Poursuivant plus avant cette
logique du paradoxe, Du Picq concluait en affirmant que la puissance
morale de la troupe, plus que toute autre considération, décidait
implacablement de l’issue du combat. La cohésion morale du groupe devenait le
facteur déterminant de la lutte ; c’était le camp dont la capacité morale
était fragilisée ou brisée qui risquait d’être défait. À de nombreux égards,
Charles Du Picq allait à contre-courant des idées reçues. À ses yeux, ce n’était
pas la force physique du guerrier antique ou la puissance de feu du combattant
moderne qui constituaient la supériorité du soldat sur le champ de bataille.
Ainsi, l’armement en tant que tel ne jouait, dans la pensée de Du Picq, qu’un
rôle secondaire. Il ne prenait son importance que dans la mesure où il
permettait d’influer sur le moral de l’ennemi. Dès lors, une bataille ne
pouvait se réduire à une simple énumération de faits d’armes. Il ne s’agissait
en aucun cas d’un choc entre deux unités. L’idée même du choc était réfutée par
le théoricien français : « Le choc est un mot… Les ouragans de
cavalerie qui se rencontrent, c’est de la poésie. Jamais la réalité. » [74] Le combat était
donc le résultat de l’opposition entre deux volontés opposées, entre « deux
puissances morales » [75] selon les propres termes de Du Picq. L’approche historique et morale de
Du Picq eut un retentissement et une influence considérables sur les jeunes
officiers formés à l’École supérieure de guerre au début du siècle. En leur
inculquant que seule l’offensive, motivée par une supériorité morale de la
troupe, pouvait venir

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