La grande guerre chimique : 1914-1918
provoquées par le
liquide contenu dans les munitions chimiques et les travaux sur une fusée de
proximité ne purent aboutir avant la fin des hostilités [504] . Cela eut bien
évidemment pour effet de limiter largement le potentiel des obus croix jaune et croix bleue. Cependant, c’est au crédit des ingénieurs allemands
qu’il faut porter l’innovation la plus remarquable en matière de fusée pour
munitions chimiques. Les ingénieurs allemands élaborèrent une fusée qui
permettait une diminution substantielle du temps de réaction à la détonation.
Cette fusée instantanée (EKZ 17) fut adaptée aux munitions croix jaune dès le mois de juillet 1917. Bien qu’elle ne constituait qu’un pis-aller,
la fusée EKZ 17 permit d’améliorer notablement le potentiel des obus croix jaune.
En matière d’artillerie chimique, les conceptions tactiques
des différents protagonistes se révélaient parfois fort différentes. Au cours
de l’année 1917, les Allemands avaient comblé leur retard et les artilleurs
disposaient désormais d’une palette de munitions extrêmement étendue. À la fin
de l’année 1917, il existait, dans la panoplie chimique allemande, pas moins de
neuf calibres distincts et les servants pouvaient effectuer leur pilonnage
selon vingt-deux différentes combinaisons de calibres et de toxiques. L’obusier
de 150 mm pouvait tirer cinq toxiques différents, le 77 et le 105 mm
quatre. Si ces subtiles combinaisons pouvaient parfois s’avérer judicieuses,
elles nécessitaient une logistique particulièrement lourde lors de la préparation
d’un bombardement chimique. En revanche, les artilleurs français, dont la
tactique chimique reposait sur la cadence et la durée des tirs, évitèrent une
trop grande diversité des calibres et à partir de 1916, optèrent pour quatre
calibres principaux, 75, 105, 120 et 155 mm [505] .
En 1918, si les ingénieurs préparaient, de part et d’autre,
de nouvelles méthodes de dispersion des gaz, l’obus chimique était devenu non
seulement la forme la plus importante de dissémination des agents toxiques mais
aussi une arme indispensable à la conduite d’une opération offensive sur le
front. Deux chiffres peuvent nous permettre de saisir la portée de ce constat.
Au cours des six derniers mois du conflit, près de 20 % des obus tirés par
l’artillerie des protagonistes contenaient des substances toxiques et 94 %
des agents chimiques utilisés au cours des derniers mois d’affrontement
provenaient de projectiles d’artillerie [506] . En mai 1918,
la planification des offensives allemandes dans l’Aisne prévoyait
ponctuellement, sur de nombreux objectifs, l’utilisation de 80 % de
munitions chimiques pour 20 % de projectiles conventionnels. En
définitive, pour ce qui concerne la conception des munitions, pour des raisons
de rapidité de fabrication et aussi de coût, les obus existants furent, tant
bien que mal, adaptés à des chargements chimiques. Ceci conditionna largement
le chargement et le mode de dissémination, ces projectiles n’ayant pas été
optimisés pour une utilisation avec un chargement chimique. De fait, il y eut
peu d’innovations dans le concept technique de la munition durant le conflit.
Toutefois, l’expérience acquise au fil de l’utilisation massive de projectiles
chimiques permit de dégager un certain nombre d’axiomes et de préparer les
recherches menées après la fin du conflit. Ainsi, les difficultés inhérentes à
la dispersion de l’agent, à l’étanchéité de la munition et au subtil rapport
charge d’explosif/masse de produit à disséminer ne purent être que
partiellement résolues [507] . Si l’artillerie
chimique acquit dans les derniers mois du conflit une place déterminante, il
convient de noter que l’ensemble des obus chimiques utilisés pendant la Grande
Guerre ne représenta que 6,4 % du total des projectiles d’artillerie tirés
sur le front occidental entre 1914 et 1918.
Le projecteur Livens [508]
Au début de l’année 1916, les autorités britanniques,
conscientes de leur retard technique dans le domaine de l’artillerie chimique,
entreprirent un considérable effort de recherche. Des essais d’artillerie peu
concluants avaient déjà eu lieu au cours de l’été 1915, à Runcorn, non
loin du site de production de chlore de la Société Castner-Kellner, sous la
direction du Scientific Advisory Committee of the Ministry of Munitions. De
nouvelles
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