La grande guerre chimique : 1914-1918
les plus efficaces de la Grande Guerre.
Le général Gough, qui commandait la V e armée
britannique, se montra fort intéressé par les travaux de Livens. Alors que ce
dernier menait ces expérimentations près d’un village nommé Toutencourt, le
général Gough, de passage dans la région, fut séduit par ce procédé qui
lui semblait si prometteur. Il demanda et obtint du quartier général le
détachement de l’unité de Livens auprès de son armée. Le général Gough,
apportant sa bienveillante protection permit ainsi à Livens de poursuivre la
mise au point de son projecteur. Au cours de la phase initiale de ses travaux,
Livens craignait que le major Foulkes, si enthousiaste à l’égard des nuées
dérivantes, ne l’oblige à transformer sa compagnie Z en simple cylinder
company. Le chef de la Special Brigade fut donc volontairement tenu à l’écart
des activités de la compagnie Z. Quand plus tard, il fut demandé au major
Foulkes s’il était informé de ce que tramaient les ingénieurs de la compagnie Z,
il répondit : « Je savais qu’ils menaient un certain nombre d’expériences
à Toutencourt, mais je ne m’en occupais pas. » [515] Cette méfiance
initiale de Livens allait par la suite se révéler justifiée, le major Foulkes
se montrant particulièrement réticent à l’introduction du projecteur [516] .
Le projecteur Livens fut mis progressivement en
service opérationnel à partir de l’été 1916. Le général Gough
autorisa, en soutien à l’action de la 38 e division, la première
utilisation du projecteur élaboré par la compagnie Z à la fin du mois de
juillet 1916 lors de la bataille de Pozières. Au cours de la prise de
Beaumont Hamel, le 13 novembre 1916, 86 projecteurs Livens tirèrent près de 1 t de chlore sur les positions ennemies [517] .
Peu à peu, au fil des nombreux essais [518] sur le front,
son utilisation s’améliora pour devenir redoutable. En décembre 1916, les
autorités britanniques commandèrent 15 000 projecteurs et 50 000 bombes.
Les premiers exemplaires atteignirent le continent dès le mois suivant. La
production des bombes, à l’usine de Laire près de Calais s’éleva rapidement
pour culminer 4 000 exemplaires par semaine en avril 1917.
Au mois d’avril 1917, Douglas Haig avait recommandé qu’un
certain nombre de cylinder companies fussent transformées en mortar
companies [519] .
Il était clair que la faveur des officiers supérieurs allait de façon
croissante vers les projecteurs. Les lance-bombes n’étaient toutefois pas
exempts de défauts. En effet, si la sécurité des servants lors de leur
utilisation était très supérieure à celle dont jouissaient les fantassins à
proximité de cylindres pressurisés, le poids de l’affût, près de 50 kg,
représentait un obstacle évident à la mobilité tactique de ces opérations. De
plus, après quelques tirs, le recul de la pièce avait pour effet de ficher
celle-ci dans le sol, de sorte qu’il était très difficile, à moins d’y
consacrer des efforts importants et dangereux, de la déplacer vers une nouvelle
position. Quoi qu’il en soit, et malgré l’évidence, Foulkes n’envisageait pas,
à cette date, d’abandonner la technique des nuées dérivantes ou même de la
reléguer au rang d’auxiliaire.
Dans le cadre des offensives du printemps 1917, la III e armée
britannique fut désignée pour enfoncer les défenses ennemies entre Croisilles
et Vimy. Le général Allenby, qui était à la tête de la III e armée,
était relativement ouvert à l’utilisation des gaz. Foulkes, secondé par Harold
Hartley, qui occupait le poste de Chemical Adviser de la III e armée,
proposa au général Allenby d’utiliser les projecteurs pour neutraliser l’artillerie
ennemie lors de son offensive. La proposition entérinée, le site fut déterminé :
entre Thilloy et Thélus sur un front de 8 km. Le 31 mars, les
préparatifs débutèrent. Le 4 avril vers 6 h 15, 2 340 projectiles
furent tirés simultanément sur les lignes allemandes. En une fraction de
seconde, près de 48 t d’un mélange de chlore-phosgène s’abattirent sur les
tranchées ennemies. William Livens, qui observait la scène d’un avion, put
constater la densité extraordinaire du nuage de gaz, dont l’apparente compacité
se maintint jusqu’à Vimy, soit 3 km en arrière des lignes allemandes [520] .
Le 9 avril 1917, en s’emparant des premières lignes
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