La grande guerre chimique : 1914-1918
vers la fin juillet 1917.
Ce dernier, plus lourd que le modèle Livens, était plus difficile à installer
et à déplacer [526] .
Il était néanmoins beaucoup plus précis que le modèle anglais. En août, des
instructions furent transmises aux unités appelées à utiliser des projecteurs [527] .
Les Allemands, contrairement aux Britanniques, considéraient le projecteur
comme une arme de précision. Cette conception fut néanmoins à l’origine de
difficultés supplémentaires dans la mesure où, pour parvenir à la précision
désirée, il était nécessaire de positionner très consciencieusement les
projecteurs, ajoutant une charge de travail supplémentaire aux soldats chargés
de l’installation.
Si, quelque six mois plus tôt, le projecteur Livens n’avait
permis que d’obtenir un succès tactique, le projecteur allemand contribua
largement à la victoire austro-allemande à Caporetto. À la suite de conseils
prodigués par le P r Haber, et en raison des conditions
topographiques particulières de cet endroit du front italien, l’OHL, en
septembre 1917, se montra fort intéressé par l’utilisation massive de
projecteurs. Otto Hahn, Wilhelm König, et le chef d’état-major du colonel Peterson,
revêtus d’uniformes autrichiens, furent chargés de déterminer un site favorable
à une telle opération. Au nord de la rivière Soca, près du village de Bovec, un
site réunissait les conditions requises. Le mois suivant, le 36 e régiment
de pionniers fut dépêché sur ce front et, le 23 octobre, près de 900 projecteurs
avaient été installés à l’endroit désigné. Le 24, ils furent mis à feu en
direction des positions italiennes. Les 5 à 6 t de mélange
phosgène-chloropicrine s’abattirent sur des fantassins italiens surpris et
démunis de protections efficaces. Débutant leur progression, les troupes autrichiennes
ne rencontrèrent aucune résistance et réalisèrent bientôt l’ampleur des pertes
provoquées par le bombardement chimique (plus de 600 morts) [528] .
Pour la première fois depuis Langemarck, l’infanterie avait été en mesure d’exploiter
victorieusement une brèche créée par les gaz dans les lignes ennemies.
Le projecteur allemand fut utilisé pour la première fois
contre les forces françaises à Réchicourt en Lorraine (près de l’étang de
Paroy) dans la nuit du 5 au 6 décembre 1917 [529] . Une seconde
opération se déroula dans la nuit du 10 au 11 décembre 1917 dans les
secteurs de Cambrai et Givenchy contre les forces britanniques [530] .
En cette occasion, plusieurs centaines de projectiles furent tirés
simultanément sur les positions anglaises, provoquant la mort de 22 soldats.
« Les bombes, qui étaient suivies d’une gerbe d’étincelles, remplirent le
ciel dans un bruit strident. Quelques instants plus tard, elles explosèrent
libérant un lourd nuage blanc. » [531] Dans la nuit du
12 au 13, les fantassins français essuyèrent un nouveau bombardement dans le
secteur d’Essigny qui fit 53 morts. Des attaques similaires furent encore
lancées contre l’armée française dans la région de Lens vers le 30 décembre
et, à partir de janvier 1918, leur nombre ne cessa de croître. Le 17 avril 1918,
les forces allemandes déclenchèrent une attaque au moyen de 750 projecteurs
dans la région de Montauville, au Bois-le-Prêtre. En l’espace de trente
secondes, les 750 projectiles s’abattirent sur les positions françaises
entre les deux lèvres d’un ravin. Le gaz, amassé dans le thalweg et poussé par
une légère brise, atteignit, au bout de vingt minutes, le village de
Montauville sans se dissiper. Sur les 150 hommes qui se trouvaient dans le
ravin, une quarantaine furent intoxiqués, dont 23 mortellement. En outre, il y
eut à Montauville des intoxications graves au sein de la population civile.
Bien que les archives allemandes aient en grande partie
disparu, il est possible de dénombrer près de 60 opérations par
projecteurs. Un grand nombre d’entre elles (environ 70 %) eurent lieu
entre avril et août 1918 et, d’une manière générale, leur envergure était
sensiblement inférieure à celle des attaques britanniques [532] . Les toxiques
utilisés dans ces bombes étaient principalement le phosgène ainsi qu’un mélange
de chlore et de chloropicrine. Les Allemands développèrent au cours des
premiers mois de 1918 une version améliorée de leur projecteur. L’amélioration
portait essentiellement
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