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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Jésus et de nationalité portugaise, si vous ne l’aviez pas deviné à mon accent.
    Celui qui se présentait comme un jésuite était habillé à la chinoise, d’une longue veste de soie noire matelassée qui retombait sur un pantalon bouffant. Ses yeux perçants, tels des boutons de nacre cousus au milieu d’un tissu rugueux, éclairaient un visage aux traits taillés à la serpe dont la barbe mangeait tout le bas jusqu’aux pommettes. Râblé, il ressemblait un peu à ces chiens efflanqués qui ne payent pas de mine mais dont la morsure peut se révéler cuisante.
    Vuibert, méfiant, n’arrivait pas à cacher sa surprise. Être accueilli de la sorte, à l’autre bout du monde, alors que personne n’était censé vous attendre, était probablement un traquenard.
    —  Comment connaissez-vous mon nom   ?
    —  Les jésuites, là où ils sont présents, disposent toujours de bons relais et d’informateurs efficaces… Nous avons été prévenus par nos frères parisiens que les autorités françaises envoyaient à Shanghai un certain Antoine Vuibert… Le ministre Guizot étant un familier des missions étrangères, rien de ce qu’il fait ne nous échappe…
    —  J’ignorais que les jésuites jouaient les espions   ! lâcha Antoine, peu désireux de se laisser impressionner par le Portugais barbu.
    —  Il ne faut pas employer d’aussi grands mots, monsieur Vuibert. Comme toutes les organisations qui se respectent, la Compagnie de Jésus a tout simplement le devoir de se tenir informée lorsqu’il y va de ses intérêts   ! Vous n’avez rien à craindre de moi. Je vous accueille gentiment et me mets à votre disposition pour vous servir de guide lors de vos premiers pas à Shanghai…
    Le ton mielleux de Freitas ne disait rien qui vaille à notre ami Antoine.
    —  Merci, mais je parle le chinois   ! lâcha-t-il d’une voix sèche.
    —  Le dialecte shanghaien n’est pas accessible aux adeptes du mandarin…
    —  Vous ne m’apprenez rien. Venons-en au fait, père Freitas : je suppose que vous n’êtes pas venu m’attendre uniquement pour mes beaux yeux…
    —  Un jésuite ne mentant jamais, je vais vous en dire la raison, sachant que je ne pensais pas devoir entrer si vite dans le vif du sujet…
    —  Je vous écoute   !
    Au milieu de l’indescriptible cohue des voyageurs serrés de près par les coolies qui portaient leurs bagages, le Portugais, après avoir dardé son regard dans le sien, se lança :
    —  Puisque vous m’y incitez, monsieur Vuibert, voilà ce dont il retourne : la Compagnie de Jésus dispose d’un vaste terrain dont elle souhaiterait vendre le droit d’usage aux autorités françaises afin qu’elles puissent y construire les bureaux de leur représentation commerciale et diplomatique   !
    —  Merci pour le renseignement… fit Antoine, de moins en moins impressionné par ce jésuite qui jouait - un comble   ! - les promoteurs immobiliers.
    Freitas, qui se lissait la barbe avec des airs de conspirateur, ajouta à voix basse :
    —  Ici, les Anglais ont une sacrée longueur d’avance sur vous   ! L’intendant Gong leur a déjà concédé une concession de plus de cinquante hectares délimitée par le Huangpu et la rivière de Suzhou… Ils y bâtissent à tour de bras… Les Anglais ont mis Gong dans leur manche   !
    —  Mais qui est donc cet intendant Gong   ?
    Avec autorité, Freitas fit signe à un coolie qui poussait une longue brouette de prendre le bagage de Vuibert et, avant que ce dernier ait eu le temps de réagir, l’entraîna d’un bon pas vers le centre-ville.
    —  Il vaut mieux ne pas trop traîner sinon vous risquez de faire la queue des heures à la douane… glissa-t-il avant de poursuivre : L’intendant Gong est une sorte de gouverneur de la ville ; un lettré confucéen qui a notamment pour charge de faire appliquer le texte signé à Tianjin entre le représentant de la reine Victoria et celui de l’empereur de Chine. Il ne veut à aucun prix de mélange entre les nez longs et les autochtones… Gong ne laissera pas les Français s’installer n’importe où   ! Je soupçonne les Anglais de graisser la patte à son entourage, si ce n’est à lui-même…
    —  Merci pour ces informations… souffla Vuibert, quelque peu impressionné par l’aplomb de ce prêtre.
    —  Nous avons supposé que dans le cadre de la préparation de l’arrivée à Shanghai de M. de Montigny, cette proposition pourrait retenir votre

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