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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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mers, les plantes, les animaux et les hommes… souffla-t-elle avec un délicieux tremblement dans la voix.
    —  Je sais   ! J’ai maintes fois écouté les sermons du pasteur Roberts… Chez nous, c’est l’un qui engendre le deux, le deux qui engendre le trois, et le trois qui finit par engendrer les dix mille êtres qui s’adossèrent au Yin et embrassèrent le Yang {24} .
    Laura était émerveillée. Plein et vide… lumière et nuit… cavernes profondes… abysses insondables… les mots se suffisaient à eux seuls…
    —  Par exemple, la lune est Yin ; le soleil est Yang ; la femme est Yin et l’homme est Yang, de même que le feu, alors que l’eau est Yin. Toi, Laura, et moi, La Pierre de Lune, nous sommes faits pour nous accorder…
    —  Quel beau système… murmura-t-elle, songeuse.
    —  Et ce n’est pas tout. Toute chose peut être classée selon cinq éléments, que nous associons également aux directions : à l’est, le bois et la couleur verte, au sud, le feu et la couleur rouge, à l’ouest, le métal et la couleur blanc, au nord, l’eau et la couleur noire…
    —  Tu n’en as dit que quatre…
    —  À la direction centre, qui est la cinquième, nous associons la terre et la couleur jaune.
    —  Chez moi, il n’y a que quatre points cardinaux   !
    —  Écoute un peu la suite   ! L’eau produit le bois en lui donnant la sève ; le bois produit le feu, qu’il alimente ; le feu produit le métal, qu’il fait sortir du minerai ; le métal produit l’eau puisque, en chauffant, il se liquéfie. Le monde qui nous entoure n’est que le résultat d’une succession d’enchaînements.
    En même temps qu’il énumérait les éléments, leurs mains s’étaient frôlées. Ils s’étaient rejoints, noués ensemble par le gracieux flux de leurs paroles, lui avec cette tendre inclinaison de la tête où le mot semble près de se résoudre en baiser et elle, les yeux légèrement écarquillés de surprise après toutes ces choses extraordinaires qu’il lui avait racontées…
    —  Une série de réactions dont l’une entraîne l’autre… fit-elle, enjouée.
    —  Tout à fait. Ces données sont consignées dans un livre sacré.
    —  Vous avez une Bible   ?
    —  Le Livre des Mutations, que nous appelons Yijing , n’est en rien comparable à ce qu’enseigne M. Roberts. Seuls les taoïstes les plus expérimentés arrivent à déchiffrer les figures qu’il contient
    —  Tu n’as jamais essayé   ?
    —  Je suis encore bien trop ignare   ! Un jour, je te le montrerai et tu comprendras à quel point ce livre est obscur… fit-il en éclatant de rire.
    Ils furent interrompus par l’arrivée de Barbara, suivie par le pasteur. Il la raccompagnait à l’issue de leur entretien.
    Pour ceux qui étaient désormais devenus les meilleurs amis du monde, le temps de la séparation était venu.
    La Pierre de Lune extirpa de sa poche un objet en bronze et le tendit à Laura d’un air complice.
    —  Ici, nous appelons cela « cadenas des sortilèges   » ou « cadenas de longue vie   ». Il est à toi. Il sert à chasser les démons.
    Ces talismans, qu’on plaçait en général dans un coffret de laque rouge orné du caractère du double bonheur shuangxi , étaient offerts par leurs parents aux jeunes époux, juste avant la cérémonie du mariage, pour mieux les attacher l’un à l’autre.
    —  Je ne le mérite pas, La Pierre de Lune   ! Chez moi, quand on veut expulser le diable, on récite une prière et on s’asperge d’eau bénite.
    —  Laura, tu m’honorerais en acceptant mon présent, insista La Pierre de Lune.
    La jeune Anglaise glissa un regard vers sa mère et, après avoir constaté que Barbara ne s’était aperçue de rien, obtempéra.
    La Pierre de Lune étouffa un cri de joie.
    S’il n’avait pas été éduqué selon les convenances, il se serait jeté au cou de Laura Clearstone et l’aurait tendrement serrée dans ses bras.
    Quand l’autre accepte un cadeau, n’est-ce pas le plus beau des cadeaux pour celui qui donne   ?

 
    12
     
    Shanghai, 12 juillet 1846
     
    —  Jo parich que vu echtes Antune Voubertu   !
    Piqué au vif, le Français, qui avait reconnu son nom malgré le fort accent de celui qui l’avait prononcé, arrêta de traîner sa lourde valise, se retourna vivement et, comme un escrimeur se met en garde, lâcha aussitôt :
    —  A qui ai-je l’honneur   ?
    —  Au père Diogo de Freitas Branco. De la Compagnie de

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