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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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intérêt
    De plus en plus irrité, Antoine Vuibert constatait que rien, ou presque, de sa mission ne semblait avoir échappé aux jésuites. Il s’arrêta et dit :
    —  Je parie que vous connaissez aussi mes goûts alimentaires et la façon dont je m’habille   !
    —  Ne le prenez pas ainsi, monsieur Vuibert. Vous devriez être satisfait de l’intérêt que vous porte notre Compagnie. Celle-ci a décidé de vous aider. Ce n’est pas rien, croyez-moi   !
    Notre apprenti diplomate se calma.
    —  Vous semblez sous-entendre que nos amis anglais tiennent ici le haut du pavé…
    Ils recommencèrent à marcher, se frayant un passage dans la marée humaine qui descendait de la ville pour se rendre sur les bords du Huangpu, car c’était l’heure où les navires de haute mer y accostaient les uns après les autres.
    —  Je ne vous le fais pas dire   ! Il y a déjà ici plus de cent commerçants venus d’Angleterre et pas un seul Français   ! La tâche qui vous attend est immense, monsieur Vuibert, et nous allons vous apporter notre concours pour y faire face dans les meilleures conditions   !
    Le jésuite pressait le pas.
    —  Et où se trouve-t-il, votre terrain   ?
    —  À Zikkawei, au nord-ouest de la ville. Un emplacement idéal   ! Nous y avons fait construire une chapelle qui jouxte le presbytère où nous logeons, à proximité d’un village dont la population demeura fidèle à sa foi catholique après notre départ forcé de Chine {25} .
    —  Bigre   ! Vous me parlez d’une communauté chrétienne clandestine   ?
    —  Absolument. Il me faut préciser que le grand lettré Xu, l’un des plus importants disciples du père Ricci qui implanta notre Compagnie ici, était originaire de l’endroit. Voilà pourquoi, à Zikkawei, nous sommes un peu chez nous…
    Arrivés au bout du quai, ils s’arrêtèrent sous l’arcade de la grande porte qui permettait de pénétrer à l’intérieur des remparts. La plupart des passagers du Cristina y faisaient la queue.
    —  Voyez, nous avons eu raison de ne pas nous laisser trop distancer. Il y a toujours un embouteillage au moment du passage au Bureau des douanes. Tout ce qui entre à Shanghai fait l’objet d’un contrôle sévère… avertit le jésuite.
    —  Y compris l’opium   ?
    Freitas éclata de rire dans sa barbe.
    —  Pour l’opium, c’est différent. Si vous interrogez un douanier, il vous jurera qu’il n’en a jamais vu la moindre caisse   !
    —  Bien sûr…
    Leur coolie, visiblement habitué aux formalités, avait déchargé la valise de Vuibert devant une sorte de guichet ouvert sous une pancarte blanche sur laquelle s’affichait « Bureau de la douane impériale   » en caractères rouge vif. Derrière, dans une vaste pièce qui donnait sur un jardinet, une dizaine de fonctionnaires sirotaient silencieusement du thé vert en regardant d’un œil vague la foule des passagers. Leur chef, un petit homme barbichu et maigrichon, reconnaissable à son bonnet de mandarin orné d’une plume de paon, trônait derrière une table sur laquelle s’amoncelaient les tampons et les cachets de toutes tailles. Freitas ne devait pas lui être inconnu puisqu’il inclina légèrement la tête dès qu’il l’aperçut.
    Le jésuite, après s’être accoudé au guichet, entra en matière :
    —  Monsieur le directeur Ling, j’accompagne ce jeune Français qui présente toutes les garanties d’honorabilité. Il est mon invité à Shanghai.
    —  Que compte faire ici cet honorable nez long   ?
    Prudent, le jésuite éluda.
    —  Il n’a pas de projet précis. Si ce n’est, bien sûr, d’apprendre votre belle et difficile langue.
    Antoine, admiratif devant le bagout du jésuite, baissa légèrement la tête, en signe de salut auquel le fonctionnaire répliqua par le même geste mais avec un regard condescendant pour ce pauvre jeune homme qui ignorait la langue du pays où il débarquait.
    En attendant, Freitas avait gagné la partie. Un étranger qui ne parlait pas un traître mot de shanghaien ne présentait aucun danger pour la sécurité intérieure. D’un geste vif, le patron des douaniers tamponna une feuille qu’il tendit prestement au jésuite, l’air toujours maussade.
    —  C’est votre laissez-passer. Il vaut mieux l’avoir sur soi, tout au moins dans Shanghai… expliqua le Portugais à Antoine tandis que le coolie rechargeait les bagages que les douaniers n’avaient même pas pris la peine

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