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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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d’examiner.
    —  J’admire votre sens de l’improvisation. Vous mentez avec un de ces aplombs… fit l’agent spécial mi-figue, mi-raisin.
    —  En Chine, il ne faut jamais se mettre dans une situation gênante pour votre interlocuteur. Si je lui avais dit que vous parliez chinois, ce préposé aux douanes aurait été obligé de lancer une enquête sur vous ainsi que sur les conditions de votre séjour et nous y serions encore demain matin   ! Vous savez, il arrive que certains étrangers soient priés de repartir par le prochain navire.
    —  En tout état de cause, père Freitas, je me dois de vous remercier. Sans vous, il y a fort à parier que je ne serais pas sorti d’affaire…
    —  Je suis ravi que vous admettiez que j’ai bien fait de venir vous accueillir, monsieur Vuibert…
    —  Excusez-moi encore pour tout à l’heure   !
    —  C’est normal, monsieur Vuibert, que vous ayez été agacé et surpris de me voir. À votre place, je l’aurais été autant…
    Freitas était à la fois du genre coriace et psychologue, comme ces chiens capables aussi bien de mordre que de faire ami-ami…
    En ville, il faisait encore plus chaud que sur le port. Dans cette atmosphère de fournaise, Antoine, en nage et qui étouffait, malgré sa chemise désormais largement ouverte, se demandait comment le jésuite pouvait tenir dans ses vêtements matelassés boutonnés jusqu’au col.
    Après avoir franchi un carrefour, les deux hommes s’engagèrent dans une rue où, debout sur des tabourets devant le pas de leurs portes, des médecins et des dentistes faisaient l’article à leurs éventuels clients en leur promettant des miracles à grand renfort d’œillades.
    —  Nous sommes dans le quartier des fortifiants, expliqua le jésuite qui aidait Vuibert à fendre des groupes d’hommes d’âge mûr de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’ils avançaient.
    —  Que font tous ces gens   ? demanda Antoine.
    —  Demain, c’est jour de fête. De nombreux hommes s’apprêtent à aller voir des prostituées. Ils prennent leurs précautions… La poudre séchée de verge de tigre et les copeaux de corne de rhinocéros doivent se vendre comme des petits pains   ! lui expliqua sans rire le jésuite.
    Sur le plan urbain, la ville-marché était en plein chambardement. De part et d’autre de ses chaussées défoncées dont beaucoup étaient encore des cloaques à ciel ouvert, des ouvriers détruisaient les vieilles baraques de planches. À leur place, on commençait à construire des petits immeubles impersonnels où des commerçants installaient des boutiques plutôt pimpantes, tout cela dans le plus grand désordre.
    Bientôt, il ne resterait plus rien du fouillis chaotique qui faisait, hier encore, le charme de Shanghai.
    Au détour d’une rue grouillante à souhait, le regard d’Antoine fut attiré par un oiseau enfermé dans une petite cage à côté de laquelle se tenait un homme coiffé d’un drôle de chapeau pointu.
    —  C’est un oiseau savant… et lui, c’est un devin… lui expliqua le jésuite.
    L’oiseleur s’empressa de tendre à Antoine un jeu de cartes.
    —  Tirez-en une   ! intima le jésuite au Français, qui s’exécuta de bonne grâce.
    Avec des gestes lents, l’oiseleur replaça la carte dans le jeu et le battit soigneusement. Puis, d’un geste précis, il ouvrit la cage et l’oiseau magicien se rua vers le paquet de cartes avant d’y plonger le bec et d’en ressortir avec celle que notre apprenti diplomate venait de tirer.
    —  Quel oiseau   ! s’exclama-t-il, médusé.
    —  Ici, un volatile peut à la fois tirer les cartes et dire ce que sera l’avenir…
    Antoine regarda Freitas et constata que le jésuite ne plaisantait pas. Un client à l’allure juvénile s’interposa, suppliant que l’oiseau lui dise s’il avait une chance de réussir à l’examen où il était candidat. Après lui avoir demandé un liang , et sous le regard médusé des badauds, l’oiseleur, avec de grands gestes d’acteur de théâtre, demanda au volatile de s’exécuter. Une fois l’horoscope tiré, il empocha la pièce et déclara à l’intéressé qu’il deviendrait un homme important et riche.
    Les pauvres gens sont volontiers crédules et font souvent le bonheur des charlatans qu’ils enrichissent.
    Quelques pas plus loin, un bonimenteur posté à côté d’une perche à laquelle il avait suspendu le squelette d’un chien recouvert d’une peau de tigre

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