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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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l’incertitude. On vous laisse mariner dans la saumure le plus longtemps possible. Les fonctionnaires chinois sont passés maîtres dans l’art de faire payer très cher leurs services… bien entendu sans avoir l’air d’y toucher. Ils appellent ça « flatter l’encolure du cheval   ».
    La serveuse leur avait apporté une assiette de yuanxiao , des boulettes de riz gluant farcies, sur lesquelles le Français, qui mourait de faim, se jeta avec appétit.
    —  Vous laissez entendre qu’ils seraient corrompus   ?
    —  Jusqu’à la moelle. N’oubliez pas que l’État mandchou est complètement ruiné   ! Cela fait longtemps qu’il ne verse plus leurs émoluments aux douaniers. Comment croyez-vous que le douanier Ling assure ses fins de mois et celle de ses hommes   ?
    —  J’étais loin de penser que l’administration chinoise était aussi dévoyée   !
    —  Si ne c’était que l’administration   ! soupira le jésuite. C’est la Chine entière, mon cher Vuibert, qui est un pays au bord du gouffre   ! Les institutions y sont complètement vermoulues…
    —  Les plus grands empires finissent toujours par connaître la décadence.
    —  Ce pays est un corps malade sur lequel il convient de se pencher avant qu’il ne meure…
    —  Vous me paraissez bien pessimiste, père Freitas   !
    —  Le médecin des âmes que je suis ne saurait être pessimiste, monsieur Vuibert. Savez-vous que pas moins de trente-deux jésuites se consacrent aujourd’hui à l’apostolat de cette province   ? s’écria le Portugais en se rengorgeant.
    —  J’ignorais que la Chine était une province   !
    —  C’est un terme de jargon jésuitique. Pour la Compagnie de Jésus, la France, l’Italie ou l’Espagne sont des « provinces ». La province de Chine dépend de Macao ; c’est là que réside le provincial.
    Vuibert, étonné, haussa les sourcils.
    —  Oui   ! Notre chef… ajouta le Portugais d’un air entendu.
    —  Comment la population de la Chine réagit-elle à cette « thérapie des âmes   » que vous lui administrez   ?
    —  Il y a des hauts et des bas. Comme partout. Vous savez, il n’y a pas que les jésuites qui œuvrent - comme vous dites - à la thérapie des âmes. Les lazaristes et les franciscains sont présents   !
    —  Cela signifierait-il que les Chinois acceptent facilement d’être convertis   ?
    —  Il faut y aller doucement. Au mois de février dernier, le prêtre espagnol Alonso de Albas a été torturé à mort dans un village des environs de Hangzhou. Après l’avoir roué de coups, ses assassins le décapitèrent, non sans lui avoir fait goûter à toutes sortes de viandes pour s’assurer qu’il n’appartenait à aucune de ces sociétés secrètes dont les membres ont interdiction de consommer du porc ou de la volaille…
    —  C’était un père jésuite   ?
    —  Non. Un lazariste. À vrai dire, un homme peu commode et assez rigide… du genre à baptiser ses ouailles à la chaîne devant un baquet d’eau bénite et à leur promettre l’enfer en cas de manquement aux sacrements de l’Église.
    —  Je vois… lâcha Antoine, loin de se douter que certains missionnaires catholiques exerçaient leur apostolat en Chine d’une façon aussi musclée.
    —  Une telle mésaventure ne serait pas arrivée à un membre de la Compagnie de Jésus. Ici, les gens détestent qu’on leur force la main, qu’on brutalise leurs pensées, qu’on leur lave le cerveau à grande eau. Il faut toujours s’y prendre avec douceur et ne jamais sommer le converti d’abandonner ses croyances ancestrales. Nous sommes beaucoup plus… disons… modérés que nos collègues lazaristes.
    —  Depuis la nuit des temps, les Chinois sont très attachés à leurs rituels. Confucius n’y est pas pour rien   !
    —  C’est exact. D’ailleurs, notre provincial nous autorise à dire la messe en chinois. Au moment de la bénédiction finale, nous invoquons Confucius et Guanyin… expliqua Freitas avant de s’arrêter brusquement et de s’écrier :
    —  Mais je ne fais que parler de moi   ! Dites-moi un peu, cher monsieur Vuibert, quelle est votre impression après ces premiers pas en terre chinoise   ?
    Antoine se demanda à quoi rimait ce brusque changement de sujet.
    —  Les rues ne sentent pas très bon. Et puis, la pauvreté est partout… hasarda-t-il.
    —  Détrompez-vous   ! Comparée à Canton, Shanghai est une ville opulente.
    —  Je

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