Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
mon journal a dans ses tiroirs un article au vitriol à leur sujet. Une sorte d’anti-saga décryptant leurs faits et gestes et qui vise à démontrer qu’ils n’ont jamais agi que motivés par leurs propres intérêts. Ingram, le fondateur de mon journal, leur en veut beaucoup. Il les accuse d’empoisonner les Chinois et d’avoir ainsi entraîné ce pays dans une guerre particulièrement injuste ; en quelque sorte, de punir une victime qui se plaint - quoi de plus normal   ! - du mauvais traitement qu’on lui fait subir…
    Cette confidence eut pour vertu de libérer quelque peu Nash Stocklett, qui s’empressa de demander à son interlocuteur, sur un ton agacé :
    —  Et pourquoi cet article ne sort-il pas   ? À votre avis, il ferait vendre combien d’exemplaires supplémentaires de l’ Illustrated London News   ?
    —  Plusieurs milliers, cher Nash… Mais votre compagnie fait peur. Au journal, ils prétendent que Jardine & Matheson dispose de beaucoup plus de moyens que la reine Victoria en personne…
    —  Les journalistes, vous êtes tous pareils   ! Vous décrivez non pas les choses telles qu’elles sont, mais toujours à votre façon   !
    —  On ne prête qu’aux riches   !
    —  Une fois à Canton, vous pourrez vous forger votre propre opinion sur la façon dont travaille ma firme… Vous constaterez, par exemple, que contrairement à bien d’autres, elle ne se livre pas au trafic des êtres humains, lâcha Nash, toujours aussi agressif.
    Il décompressait et cela lui ôtait toute capacité de contrôle sur lui-même.
    —  Vous sous-entendez que la traite des esclaves continuerait à avoir cours   ?
    —  Cela vous étonne   ?
    —  Je croyais que cette abomination avait été abolie depuis dix ans… soupira John, contre le visage duquel la chatte Dady avait entrepris de se frotter allègrement.
    —  Je ne vous mens pas. Certains osent même appeler ça de l’affreux nom de Pig Trade   ! Le flux des esclaves noirs se tarissant à vue d’œil, les marchands se tournent désormais vers la main-d’œuvre chinoise. Les Américains de Californie en sont friands. Les Chinois sont dociles, nombreux et misérables. Il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser   ! Si mes patrons l’avaient voulu, ils auraient eu les moyens de truster ce commerce tout ce qu’il y a de plus juteux. Vous voyez, mon cher, qu’il y a pire encore - quoi qu’en pense votre M. Ingram   ! - que l’entreprise Jardine & Matheson   !
    Nash ne pensait pas un traître mot de sa diatribe, mais le spectacle de cette chatte faisant des mamours à ce dessinateur qui venait de lui injecter une dose de culpabilité dont il risquait de mettre des mois à se débarrasser le mettait hors de lui.
    —  Excusez-moi si je vous ai blessé. J’ai énormément d’estime pour vous, s’écria Bowles, conscient qu’il avait heurté son hôte.
    —  Moi, j’ai pour principe de ne jamais juger que sur pièces. Vous me direz : c’est un peu logique, de la part d’un comptable… grommela nerveusement celui-ci en rallumant son cigare avant d’avaler cul sec une rasade de brandy.
    Stocklett s’enfonça un peu plus dans le fauteuil où il s’était assis et il ferma les yeux.
    Ne plus penser à rien. Tirer à fond sur son cigare. Laisser le brandy agir… comme d’habitude, quand le remords taraude un peu trop. Essayer de faire entrer dans le vide le cerveau. Ne pas se laisser submerger par le spleen, sinon, tout est foutu. Un comptable dépressif ne fait pas long feu chez Jardine…
    C’est alors qu’il vit une forme floue dans les volutes bleues qui montaient par guirlandes vers le petit lustre en verre soufflé de Venise accroché au plafond.
    Il se mit à la fixer et elle se transforma peu à peu en visage, penché au-dessus de lui.
    C’était celui de Barbara.
    Raté : il croyait y échapper et voilà qu’elle le rattrapait   !
    Sa face était toujours aussi belle, angélique ; sa bouche qu’il avait tant de fois embrassée, si pulpeuse ; ses seins doux et fermes, qu’il avait tant de fois caressés… Quant à son ventre…
    Accablé comme jamais, il l’imagina à Canton, perdue dans cette immense Chine, avec Laura et Joe, chez ce pasteur baptiste qui profitait peut-être des circonstances pour lui en faire voir de toutes les couleurs… à moins qu’elle ne fût devenue sa maîtresse. Avec Barbara, tout était possible. Elle était si imprévisible, si toquée de religion, si vulnérable

Weitere Kostenlose Bücher