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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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calligraphe déposa une piécette de bronze. Le stratagème, visiblement, rapportait gros au monastère. Quant à Laura, elle cachait mal son écœurement devant tant d’ingéniosité intéressée de la part de ceux qui prônaient par ailleurs le détachement et le mépris pour les biens matériels.
    —  Tes bouddhistes, ils utilisent de drôles de méthodes pour remplir les caisses… soupira-t-elle.
    Lorsqu’ils sortirent de l’antre infernal, c’est avec plaisir que Laura Clearstone, la main toujours agrippée à celle de son ami, ressentit le choc presque douloureux sur ses pupilles de l’aveuglante lumière du jour.
    Dans la cour gravillonnée écrasée par un soleil presque au zénith, la vie monastique avait repris ses droits. Des nuées de moinillons en toge orangée y vaquaient à leurs occupations. Une moitié récitait des sutras devant un vieux moine qui somnolait, tandis que l’autre jouait à cache-tampon en hurlant de rire comme tous les enfants de leur âge. Une heure plus tard, ce serait au tour de ceux qui s’amusaient d’aller étudier.
    Ils passèrent dans la cour suivante qui avait été construite autour d’un figuier banian, l’arbre sous lequel le Bouddha avait atteint l’éveil après une nuit de méditation intense au cours de laquelle il avait héroïquement résisté aux assauts du démon Mara qui avait pris la forme d’une somptueuse jeune femme, et allèrent s’asseoir au bord d’un bassin octogonal où surnageaient des nénuphars. Pour les bouddhistes, ces fleurs symbolisent des cœurs vivants en train de flotter sur l’océan de la Grande Paix, qui est un autre terme pour désigner le nirvana.
    D’un air espiègle, Laura plongea sa main dans l’eau et en aspergea doucement le bras du jeune calligraphe, qui lui murmura, un peu gêné :
    —  J’ai eu tort de t’emmener ici. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’avais oublié à quel point ce spectacle est horrible…
    —  Dans nos temples, il y en a autant, à ceci près que nos peintres et nos sculpteurs représentent à la fois l’enfer et le ciel   !
    —  Qu’appelles-tu le ciel   ?
    —  L’endroit où les gens sont définitivement heureux… où ils ne souffrent plus… où tout est beau… murmura-t-elle, soudain pensive.
    Elle repensait à ce moment où elle avait commencé à douter qu’un merveilleux paradis pût exister alors que sur terre il y avait tant de souffrance et de misère. C’était un soir, après qu’une violente dispute eut opposé ses parents au sujet de Joe qui venait de fêter son quatrième anniversaire et ne marchait toujours pas. Son père était rentré éméché et nerveux. Ses affaires allaient de mal en pis et les créanciers commençaient à faire le siège de leur appartement. Il voulait donner une correction à Joe qui continuait à se souiller comme un enfant d’un an et demi. Sa mère n’avait rien trouvé de mieux que de lui asséner sur la tête un grand coup de Bible. Tout d’un coup, Laura s’était demandé si ce qu’on lui racontait au catéchisme était vrai. Car si Dieu était bon et qu’il avait fait l’homme à son image, pourquoi ne guérissait-il pas son frère handicapé   ? Pourquoi ne faisait-il pas en sorte que ses parents ne se déchirassent point   ? Pourquoi laissait-il les pauvres gens mourir de froid, l’hiver, dans les rues de Londres   ?
    Et tout d’abord, Dieu existait-il vraiment   ? Depuis son arrivée en Chine, la question, qui n’avait jamais cessé de la tarauder depuis l’adolescence, se posait désormais avec une acuité accrue. Car si Dieu était celui que les chrétiens prétendaient, pourquoi acceptait-il que le plus grand pays du monde fût envahi par la drogue   ?
    —  J’aimerais bien t’y emmener, au ciel, Laura   !
    Le propos de son ami la fit sortir des noires pensées de ce vertige du doute.
    —  Moi aussi, La Pierre de Lune, j’aimerais bien t’y emmener… soupira-t-elle.
    —  Tu as l’air triste… lui dit son compagnon.
    Elle se récria avec force :
    —  Non   ! Je suis très contente d’être ici… avec toi…
    Et comme elle ne voulait surtout pas qu’il s’aperçût de son désarroi, elle vint se blottir contre son épaule.
    —  Les églises bouddhiques sont à la merci des aumônes versées par les fidèles. Tous ces bâtiments et leurs décors somptueux sont le produit de donations faites par les gens… continua le jeune calligraphe comme s’il cherchait à effacer le piètre

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