La guerre de l'opium
rejoindre.
Avec des gestes lents, comme s’il accomplissait un rituel ancestral, le jeune Chinois aida son amie à s’étendre sur le sol entre deux palmiers nains dont la hauteur ne dépassait pas celle d’un enfant.
Immédiatement, leurs bouches s’unirent, tandis que les mains de l’un défaisaient avec fébrilité les vêtements de l’autre. Tapissé d’orchidées minuscules, le sol humide et chaud exhalait un délicieux parfum. Dans l’air brûlant où furetait une légère brise, les papillons, que les deux tourtereaux ne semblaient pas avoir dérangés, continuaient à voleter.
Ils étaient tous les deux en nage lorsque La Pierre de Lune, quoique intimidé, passa avec ravissement sa main sur les petits seins fermes de Laura dont les pointes s’étaient durcies. Non seulement elle ne la repoussa pas, mais ce fut elle qui la saisit et la plaqua sur sa poitrine déjà toute palpitante. Leurs langues se mêlèrent. Très vite, elle se releva et l’invita à faire de même, puis elle effleura du bout des doigts son sexe dressé vers le ciel. D’instinct, il s’agenouilla et plaça sa bouche contre celui de Laura déjà humidifié par la promesse d’un plaisir dont, pourtant, la jeune fille ignorait tout. Elle se mit à haleter lorsque la langue de celui qui était en train de devenir son amant s’y aventura, d’abord avec douceur, puis avec insistance et de plus en plus profond…
Boire l’élixir Yin de Laura pour mieux renforcer son propre Yang… La Pierre de Lune connaissait le passage du Manuel de la Fille Claire … qu’il lui était arrivé de lire subrepticement dans la bibliothèque de son père.
À son tour, Laura prit l’initiative.
Après avoir fait signe à La Pierre de Lune de s’allonger sur la plage de mousse humide et tiède comme un tapis de chair, elle posa délicatement ses lèvres sur le ventre de son amant et descendit lentement vers son organe turgescent, gonflé par le désir, prêt à exploser à la moindre sollicitation, où le Yang atteignait son comble. Alors, le garçon se mit à gémir, tandis que les caresses de la fille devenaient de plus en plus hardies. Preuve insigne qu’ils étaient faits l’un pour l’autre, leurs rôles étaient devenus interchangeables. Déjà, ils parlaient à la perfection ce langage dont ils n’avaient pourtant jamais appris la grammaire.
Ivres de désir l’un pour l’autre, avec des gestes innés, inventés au fur et à mesure qu’ils cheminaient vers l’accomplissement final, ils entrèrent doucement l’un dans l’autre avant de s’y perdre complètement jusqu’à l’explosion partagée qui les laissa pantelants et sans voix.
La fusion du Yin, l’élément descendant associé à la figure de la fille, à l’eau, au tigre, à la terre et à la pluie, à la tortue et à la lune, mais aussi au navire, à la boue et au pétale, s’était opérée avec celle du Yang, l’élément montant, associé à la figure du garçon, au dragon et au nuage, au feu et au soleil, à la fumée et à l’aurore, au char attelé et à la fleur…
A présent que leurs corps étaient encastrés, ils rêvaient d’un avenir qu’ils n’imaginaient plus l’un sans l’autre.
Ce fut lui qui, le premier, rompit le silence.
— Je t’aime, Laura… Je ne veux plus te quitter… Le Bouvier a trouvé sa Tisserande…
— La Pierre de Lune… comment te dire, mon amour… ta clé a ouvert ma serrure… qui était pourtant fermée à double tour ! souffla-t-elle, bouleversée.
La jeune Anglaise vint placer sa tête sur les genoux du fils caché de Daoguang. Il cueillit une grosse pivoine qu’il commença à effeuiller et déposa un à un six de ses pétales sur la poitrine de Laura en disant :
— Six signifie que tout va bien.
Puis il en rajouta deux autres.
— Et huit, fit-elle ?
— Huit, c’est que tu vas t’enrichir.
Pouffant de rire, il en déposa un de plus.
— Et neuf ?
— Que tu auras une longue vie !
— C’est incroyable ce que vous aimez les nombres ! constata-t-elle, songeuse, avant de l’embrasser à nouveau tendrement.
Cette propension des Chinois à voir des symboles partout lui faisait penser à un mystérieux poème dont elle déchiffrait peu à peu les strophes.
Après avoir à nouveau effleuré les lèvres de son amante, La Pierre de Lune lança soudain, une lueur d’angoisse dans les yeux :
— Et si, toi et moi, on s’enfuyait quelque part, très loin d’ici
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