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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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comprendre… le Christ un peu plus… fit-elle en le regardant les yeux dans les yeux.
    —  Que veux-tu dire   ?
    —  Si Dieu est bon, pourquoi laisse-t-il les hommes, ses créatures, vivre dans une telle misère   ?
    Elle avait haussé le ton, de sorte que sa voix, portée par l’immensité des lieux, en repoussait les limites.
    —  C’est en effet une excellente question, lui répondit le jeune calligraphe tandis qu’ils avançaient vers le côté opposé de la salle infernale dont l’obscurité angoissante renforçait un mélange d’odeurs écœurantes et âcres de relents d’huile, de cire brûlée et d’aromates incandescents.
    Laura en avait la gorge saisie. C’est alors qu’elle vit brusquement surgir du néant trois cages de bambou sur lesquelles elle avait failli buter. Elles étaient suspendues à hauteur d’homme par des cordes qui descendaient d’un plafond tellement noirci, à cet endroit, par la fumée des cierges qu’il était impossible de distinguer sa présence. Intriguée par ce qu’il pouvait y avoir à l’intérieur, elle serra un peu plus fort la main de son guide et colla son nez aux barreaux.
    Son sang se glaça lorsqu’elle vit un squelette recouvert d’une peau noire et desséchée, tannée par la fumée de ces bougies perpétuelles qui grésillaient sur le sol et aux murs de cette caverne maudite.
    Sous le choc, la jeune Anglaise sauta en arrière, lâchant la main de La Pierre de Lune, avant de s’écrier d’une voix expirante :
    —  C’en est trop   ! Je vois là un cadavre momifié… J’ignorais que les bonzes mettaient leurs moines dans des cages pour les fumer comme des jambons   !
    —  Détrompe-toi, Laura. Les hommes qui sont dans ces cages sont vivants…
    La jeune fille écarquilla les yeux et vit la face parcheminée ouvrir une paupière, puis l’autre. Après quoi, ce furent des dents d’un blanc étincelant qui apparurent, tandis que la bouche aux lèvres ridées et jusque-là soudées l’une à l’autre se fendait en deux. Figée par la surprise, la jeune Anglaise était incapable de proférer le moindre mot tandis que la momie la regardait d’un petit air guilleret, comme si elle était ravie de lui avoir joué un bon tour. Voyant son trouble, La Pierre de Lune précisa :
    —  Ce sont des ascètes… Ils sont censés se nourrir uniquement de vent en attendant la délivrance du nirvana.
    Se nourrir de vent   ! Comment était-ce possible   ? Laura se perdait en conjectures.
    —  Tu parles sérieusement   ? demanda-t-elle à son compagnon.
    —  C’est du moins ce qu’on fait croire aux visiteurs de l’enfer… Les cages étaient si petites que leurs occupants les remplissaient entièrement, ce qui les obligeait à ne jamais changer de position. Même des singes n’eussent pas supporté d’être traités de la sorte. Elle se sentait cernée, assiégée, étouffée, réduite à néant par ces trois paires d’yeux ironiques et perçants qui la fusillaient à bout portant. Dans cette ambiance lugubre et malsaine, tableau saisissant des turpitudes et des supplices dont les hommes étaient capables, le seul repère rassurant, le seul être auquel elle pouvait se raccrocher était La Pierre de Lune.
    —  Tous les visiteurs sont persuadés que les ascètes vivent dans leurs cages à demeure alors qu’il n’en est rien… La première fois que je suis venu ici, c’était avec mon père, il y a longtemps. J’étais aussi bouleversé que toi en voyant ces ascètes enfermés. C’est alors qu’un moinillon qui ne savait pas tenir sa langue nous expliqua que le soir venu, après la fermeture de la porte de la salle de l’enfer, le supérieur du monastère faisait sortir les ascètes de leurs cages afin de leur permettre de se dégourdir les jambes et de faire un bon repas. Ces hommes vont dormir dans leurs cellules et, le matin, ils regagnent leur poste.
    —  Ces moines sont diaboliques   ! s’exclama Laura.
    Mais la longue salle sordide n’était pas déserte. Voilà qu’un petit fantôme en haillons s’était approché d’eux, désignant de façon péremptoire les gros paniers remplis à ras bord de piécettes disposés juste en dessous des cages. Chacun d’eux portait l’inscription suivante : Ne jeter ici que des pièces.
    Ils avaient oublié de faire une offrande et ce jeune mendiant était chargé de faire respecter la règle aux dévots tout en veillant à ce que les paniers ne fussent pas pillés.
    Le jeune

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