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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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appartenaient déjà. Elle tomba sur un bol céladon à décor secret d’époque Song dont elle s’empara avec avidité. Sans la moindre vergogne, ses doigts boudinés et vulgaires parcoururent ce récipient de forme tulipée dont la paroi était si fine qu’il suffisait de la placer à contre-jour pour en découvrir le somptueux décor de fleurs.
    —  Celui-là, il me le faut   ! s’écria-t-elle comme un chasseur parlerait de sa proie.
    —  Madame, cet ustensile coûte une petite fortune   ! Sa fragilité est extrême   ! crut bon de lui signifier Sérénité Accomplie, quelque peu excédé par les libertés que prenait son encombrante cliente.
    Mais celle-ci, qui se fichait éperdument de la remarque de l’antiquaire, ne prit même pas la peine de lui répondre. Désignant, d’un air entendu, à Niggles les centaines de bols « bleu et blanc   » d’époque Ming que les assistants de Sérénité Accomplie achevaient de bichonner, elle lança au marchand d’opium :
    —  Jack, prenez ce lot pour vous   ! Je vous assure : vous ne le regretterez pas   ! Croyez-en mon expérience… Des « bleu et blanc   » de cette qualité, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval   !
    —  D’où provient cette vaisselle   ? demanda Niggles.
    —  Cette vaisselle m’a été ramenée par des pirates. Elle provient de l’épave d’un navire coulé par les Japonais au large de Singapour. .. précisa d’une voix blanche Sérénité Accomplie, qui faisait d’immenses efforts pour garder son calme.
    —  Selon vous, une fois bien emballée, cette marchandise tiendrait dans combien de caisses   ? fit le directeur de la filiale chinoise de Jardine & Matheson, qui ne cachait plus son intérêt pour le lot dont Rosy Elliott lui avait vanté la rareté.
    Sérénité Accomplie se força à répondre :
    —  Dix tout au plus… Nous nous chargerons, bien sûr, de la protéger du mieux possible contre les chocs. Nous avons nos propres emballeurs.
    Désireux de savoir quel était son degré de motivation, Niggles planta violemment ses yeux dans ceux de Vuibert. Le Français, conscient du danger, parvint à soutenir son regard et esquissa un vague acquiescement.
    —  Je veux bien vous la prendre. Quel prix en demandez-vous   ? déclara le marchand d’opium à la cantonade avant de lancer un clin d’œil appuyé à baby face.
    —  Jack, il vaut mieux que nous demandions à cet homme un prix d’ensemble… à tous les coups, nous serons gagnants, vous et moi   ! lui chuchota Rosy Elliott, dont le souffle court témoignait du degré d’excitation.
    —  Vous avez raison. Je vous laisse juge… convint à voix basse le marchand d’opium.
    Dardant ses prunelles dans celles de l’antiquaire, la femme du consul respira un grand coup et porta l’estocade :
    —  Combien souhaitez-vous d’argent pour la totalité de votre stock, Sérénité Accomplie   ?
    —  Vous achèteriez tout   ? laissa échapper celui-ci, estomaqué.
    —  Si je vous le dis… La totalité de ce que renferme ce magasin nous intéresse, mes amis et moi   ! soupira la grosse Anglaise en haussant les épaules, persuadée que l’antiquaire n’osait croire à une proposition aussi alléchante.
    —  J’ai besoin de quelques instants de réflexion. Il y a quelques additions à effectuer… murmura Sérénité Accomplie, outré par cette arrogance qui frisait l’inconscience.
    —  Vous avez tout votre temps… conclut, l’air satisfait, Rosy Elliott, avant de lancer une œillade appuyée à Niggles.
    Pendant que Sérénité Accomplie, la mine sombre, allait s’isoler dans son bureau avec son boulier et son livre de comptes, un domestique leur apporta des verres de thé.
    Rosy était aux anges.
    —  Qu’en pensez-vous, Jack   ? J’ai trouvé astucieux de lui proposer de tout embarquer. Après quoi, vous et moi, nous choisirons tranquillement.
    —  Votre avis, Antoine   ? fit ce dernier d’un ton sec après s’être tourné vers le Français.
    Tout absorbé qu’il était dans la contemplation de la jeune Anglaise demeurée à l’écart et qui prenait son thé tournée vers la fenêtre, Antoine n’avait pas entendu les derniers propos du marchand d’opium.
    —  Sur quel point exactement souhaitez-vous avoir mon avis, monsieur Niggles   ? dit-il, passablement gêné d’avoir été pris en flagrant délit d’inattention.
    —  Mme Elliott se propose d’acheter tout le stock appartenant à cet

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