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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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vert.
    Celui-ci déroula un tapis de prière venu de Perse - un rectangle de splendeur soyeuse ornée de taches florales - sur lequel il posa un petit tabouret en bois de cèdre avant d’aller chercher un fourneau à réverbère en forme de tortue Zhen.
    Tang se concentra.
    La tortue céleste, ce « digne messager en habit vert   », était d’un grand secours, y compris dans les situations les plus désespérées : lorsque le monstre Gonggong, à peine le monde créé, ébranla la voûte céleste au point que le Ciel commença à s’effondrer et que le Fleuve Céleste menaça de mêler ses eaux divines à celles des vulgaires rivières terrestres, Nuwa, la tendre épouse du dieu fondateur Fuxi, appela au secours une tortue marine à laquelle elle coupa les quatre pattes pour en faire les piliers qui soutiennent la voûte céleste…
    Demandant de toutes ses forces au batracien de l’aider, Tang alluma le feu avec des gestes mesurés et précis. Bientôt, dans la fine théière de bronze dont l’anse était une salamandre à la queue en forme de sinusoïde, l’eau se mit à bouillonner.
    Jasmin Éthéré, qui regardait avec curiosité le prince accomplir son cérémonial, paraissait moins tendue lorsque la gueule de la salamandre commença à cracher des fumerolles dont les volutes s’évanouissaient vers le plafond de la chambre.
    —  L’eau va bientôt être chaude. Tu aimes le thé vert aux Trésors Subtils   ?
    —  Je bois volontiers du thé vert… J’ignore ce que sont les Trésors Subtils, fit la jeune femme dont les yeux s’étaient radoucis.
    —  Tu as bien raison d’aimer le thé   ! Ce breuvage est la première des Sept Nécessités, avant les combustibles, le riz, l’huile, le vinaigre, la sauce de soja et le sel. Quand j’étais petit, dans ma famille, on disait que pour faire un thé convenable, il fallait de l’eau de pluie recueillie au cours de l’année précédente… et la laisser bouillir jusqu’à ce que les bulles atteignent la grosseur des yeux d’une langouste   ! poursuivit le prince, charmeur.
    Avec des gestes parfaitement mesurés, il ouvrit la boîte à thé en bois de camphrier dont l’odeur éloigne les insectes et prit trois pincées de feuilles qu’il jeta dans la théière. Lorsqu’elles se mirent à gonfler, il plongea dans la mixture une tige de bambou à l’extrémité découpée en forme de couronne et s’en servit comme d’un petit fouet. Après y avoir jeté quelques graines de pin, des morceaux de datte, quelques feuilles de menthe et un zeste d’orange, il versa un peu de ce thé mousseux dans deux coupelles polychromes « coquille d’œuf {13}   » et laissa reposer la mixture avant d’y rajouter un peu d’eau bouillante et une pincée de sel. Puis, en prenant soin de ne pas en renverser une seule goutte, il posa les deux coupes sur un plateau laqué décoré de bégonias et de dragons-nuages.
    Jasmin Éthéré n’avait jamais vu un homme accomplir avec un tel calme des gestes aussi minutieux.
    —  Goûte-moi ça, ma chère enfant. Plus la coupe est fine, meilleur est le thé. C’est un grand poète de la dynastie des Tang qui l’a écrit, il y a mille ans, à l’époque où le Fils du Ciel était le chef de mon clan.
    Peu importait à Jasmin Éthéré que le prince Tang fût un descendant d’une famille qui avait compté des Fils du Ciel. Il en fallait plus pour l’impressionner. Quant à ce vers de poésie prononcé par son hôte, il lui semblait d’une affligeante banalité. En revanche, elle était surprise et, pour tout dire, quelque peu ébranlée par les gestes délicats avec lesquels son hôte lui avait préparé le breuvage. Sur le plan des manières, ce prince Tang ne ressemblait pas à la gent masculine qu’elle avait côtoyée jusque-là.
    Le thé brûlant coulait à présent dans leurs gorges et le noble Han, après s’être aspergé de parfum, revint à la charge :
    —  Je ne te veux aucun mal… Laisse-toi faire et tout ira bien. Pour ce qui concerne ta Vallée des Roses, peu m’importe son état Ce que j’en ai déjà vu m’ôte toute réticence   ! J’ai une longue expérience des femmes. Il n’en est pas une qui eût à me maudire…
    —  Aujourd’hui, vous ne m’approcherez pas   !
    —  Je te couvrirai de bijoux précieux si tu m’ouvres tes cuisses… Regarde   ! C’est pour toi   !
    Il venait de plonger la main dans un coffret en étain d’où il avait retiré une pleine poignée de

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