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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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l’empereur ne jugeait pas dignes de figurer dans ses collections personnelles du palais d’Été ou de la Cité Pourpre Interdite : vaisselle de Saxe, argenterie de Flandres, cristaux de Bohême, lustres de Venise et autres meubles en marqueterie Boulle offerts au Fils du Ciel par les ambassades étrangères qui croyaient acheter avec ces babioles la bonne conduite de la Chine, c’est-à-dire le laisser-faire de celle-ci pour leurs basses œuvres commerciales.
    La jeune femme, quoique intimidée, s’approcha des paysages sculptés dans du bois polychrome qui ornaient les murs. Impressionnée par l’éblouissant travail d’ébénisterie, elle ne put s’empêcher d’y passer doucement le doigt.
    Pour la première fois, elle entrait dans un monde qui n’était pas le sien ; le monde des riches et des puissants ; le monde de ceux pour qui la beauté et le raffinement matériels étaient accessibles.
    Ceux qui n’ont pas d’argent sont les derniers à avoir une idée précise de ce que celui-ci permet aux gens riches. C’est pourquoi les peuples tardent tant à se débarrasser de leurs dictateurs richissimes, alors que, s’ils connaissaient ne fût-ce que la face émergée de l’iceberg de leur train de vie et de leur fortune, ils eussent tôt fait de provoquer une révolution…
    Lorsque, après avoir fermé les yeux, l’index de la contorsionniste commença à parcourir les nervures délicatement ciselées, lisses comme la peau d’un enfant, qui dessinaient ces douces collines et ces terribles à-pics, ces lacs calmes et ces rivières furieuses, ces bambous et ces pins caressants accrochés sur des rochers aux formes tortueuses et menaçantes, elle revit soudain la montagne sculptée en terrasses à la force du poignet par les paysans de son village. C’était au prix d’efforts surhumains qu’ils arrivaient à y faire pousser le sorgho et le millet. Dans son village, rares étaient les hommes qui atteignaient l’âge de quarante ans et une femme était déjà très vieille à cinquante.
    Autant, pour les gens riches, la nature était belle et généreuse à contempler, autant, pour ceux qui en vivaient, elle était rude et parcimonieuse.
    Puis elle se rêva au bord du petit lac communal où les enfants allaient pêcher la truite en cachette lorsque la faim les tenaillait tellement qu’ils n’avaient d’autre choix que d’enfreindre l’interdiction communale d’y prendre le moindre poisson.
    Pour survivre, il faut savoir braver les lois humaines, celles qui sont faites pour les gens riches, les gens qui habitent des maisons somptueuses…
    Elle rouvrit les paupières et se mit à détailler le mobilier du prince : ses canapés de cèdre odorant lourdement ouvragés, ses meubles délicats et rares, aux formes savamment galbées et aux pieds chantournés, certains en bois de rose et d’autres laqués, ses petites tables de santal rouge disposées devant les canapés profonds, ses tripodes en forme de serpents enlacés par la queue qui servaient de support à des chaudrons antiques d’où s’échappaient des fumerolles bleues… Elle vit aussi l’infinie répétition de ces splendeurs, coupées par des paravents laqués d’or et de noir placés ici et là, qui se réfléchissaient dans ces hauts miroirs aux pieds fourchus savamment disposés, dont la combinaison démultipliait avec subtilité, tout en les déstructurant, les formes et les couleurs. Songeuse, elle scruta le gigantesque lit carré dont les bois étaient si ouvragés qu’ils paraissaient faits en dentelle.
    C’était là, sur la drôle d’estrade ronde recouverte d’un tapis de Perse, que Tang testait ses conquêtes avant de les expédier au gynécée…
    Abasourdie par tant de luxe, Jasmin Éthéré continuait à détailler l’extravagant intérieur du prince lorsque ce dernier apparut soudain dans une robe de soie noire ornée de masques bénéfiques et d’armes de parade. Largement échancré, le somptueux vêtement laissait entrevoir des pectoraux et une paroi abdominale soigneusement entretenus par la pratique quotidienne des arts martiaux.
    Tang, qui n’y allait jamais par quatre chemins, s’était juré que, ce jour-là, il incarnerait la séduction personnifiée. Dans ce but, il s’était paré de ses plus beaux atours. D’un geste ample, il l’invita à s’asseoir sur le lit, ce qu’elle fit avec réticence, puis il s’approcha de sa future conquête en prenant une pose avantageuse.
    Il en avait la gorge

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