Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
Vom Netzwerk:
couvreurs s’y affairaient, au milieu de cohortes de porteurs de terre et de cailloux. Partout, on enlevait, on creusait, on déblayait, on sciait, on taillait, on clouait et on posait. Les maisons pimpantes de briques neuves, construites à la place des masures faites de simples planches dont il restait encore quelques vestiges, s’alignaient impeccablement, de part et d’autre des avenues taillées au cordeau et qui semblaient presque aussi larges que longues.
    —  Ici, tout a été dévasté… constata-t-il tandis qu’ils passaient devant les ruines des cinq ponts de Marbre.
    Ces ouvrages d’art enjambaient les douves du somptueux palais des Ming avant qu’il ne fût saccagé par les Mandchous lors de la prise de la ville.
    —  Comme c’est dommage   ! Cela devait être si beau… soupira Jasmin Éthéré.
    —  Lorsque les Qing s’emparèrent des provinces du sud de la Chine, ils ne firent aucun quartier… Il faut dire que mes ancêtres se montrèrent coriaces… De nombreux chefs de famille Han égorgèrent leurs femmes et leurs enfants avant de se suicider plutôt que d’assister à l’entrée des Tartares dans la capitale des Ming… Nankin fut mise à sac.
    —  Mais pourquoi s’attaquer à de si belles choses au lieu, tout simplement, de les annexer et d’en profiter   ?
    Devant un tel mélange d’ingénuité et de pragmatisme, Tang ne put s’empêcher de sourire. Jasmin Éthéré, décidément, ne cessait de l’étonner.
    —  Tout envahisseur cherche à intimider les peuples et les villes qu’il souhaite conquérir. Les derniers souverains Ming s’étaient réfugiés dans le palais dont tu aperçois les ruines. Ce bâtiment était devenu un symbole à abattre. Ainsi furent réduits en miettes les trésors que mes ancêtres y avaient amassés depuis des siècles.
    —  J’ignorais que les Mongols étaient à ce point des sauvages   !
    —  Un Mongol ne fait jamais de quartier   ! répondit le prince en regardant la belle contorsionniste pour laquelle il venait de déserter.
    Un Mongol ne fait jamais de quartier…
    L’adage s’appliquait à lui… et donc à elle. Il se mit à trembler.
    Les conséquences de son geste étaient aisément imaginables.
    À peine confirmée au Palais Impérial la nouvelle de sa disparition, Toujours Là diligenterait une enquête auprès du ministère des Canaux et des Fleuves, et la police secrète, omniprésente sur le territoire, s’apercevrait très rapidement que leur trace se perdait à Nankin, l’ancienne capitale du Sud, la ville rebelle, la ville dont les Qing se méfiaient comme de la peste et d’où étaient parties tant de révoltes contre le pouvoir central… et qui, de ce fait, devait être truffée d’espions, d’indicateurs et de policiers.
    Nankin, dans ce cas, pouvait être un terrible piège. Du coup, il ne put s’empêcher de regarder de chaque côté, puis derrière, pour s’assurer qu’ils n’étaient pas suivis…
    —  Ici, les gens ont tous l’air riches et joyeux   ! fit Jasmin Ethéré, pensive, en regardant la foule bigarrée des matrones qui se pressaient au marché devant les étals sur lesquels se dressaient des pyramides de fruits et de légumes.
    Malgré les avanies que les Qing leur avaient fait subir, ces Nankinois respiraient effectivement la joie de vivre.
    Les hommes - et c’est heureux - ont vite fait d’oublier les affres qu’ils ont subies et l’être humain est ainsi fait que même après les pires souffrances, il est capable de retrouver le chemin du bonheur.
    Tang respira un grand coup et se força à sourire, malgré l’angoisse qui le tenaillait. Il ne fallait surtout pas inquiéter Jasmin Éthéré, lui donner l’image d’un homme traqué… Il fallait prendre sur soi et faire comme si de rien n’était, tout en veillant au grain.
    —  C’est juste ici   ! cria-t-il aux deux porteurs, ragaillardi par ses bonnes résolutions, après qu’il eut avisé, à l’angle d’une ruelle, le long mur de briques grises, derrière lequel avait été construite la maison de son vieux maître.
    Il frappa à la porte. Un concierge chenu et courbé par les ans vint ouvrir.
    —  Le vénérable Prospérité Singulière est-il là   ?
    —  Vous êtes son élève le Beau Tang… Je vous reconnais   ! Vous êtes déjà venu voir monsieur… s’écria l’homme à la crinière blanche, le visage éclairé de joie, tout en s’empressant de les faire entrer.
    À l’abri de son enceinte,

Weitere Kostenlose Bücher