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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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la maison du vieux professeur du prince était construite au milieu d’un vaste jardin d’agrément composé de plusieurs variétés de paysages miniatures. Conformément aux préceptes du Vents et Eaux, Fengshui en chinois, l’architecte paysagiste de Prospérité Singulière avait veillé à ce que chaque plante fut à sa juste place, à ce qu’aucune feuille ni aucune branche ne vînt inutilement agresser celui qui y entrait. Dans ce minuscule cadre naturel où régnaient un ordre et une harmonie propices à la méditation, tous les angles vifs étaient rognés, toutes les pointes étaient soigneusement taillées, chaque pierre avait été polie, de même que tous les épineux avaient été proscrits. Il y avait là, entre deux cyprès funéraires nains à l’allure pensive et au feuillage amoureusement sculpté en gardiens débonnaires par le vieil homme qui se transformait volontiers en jardinier, de joyeux buissons de pivoines arborescentes, de rhododendrons ainsi que d’azalées. Savamment disposés au pied de monticules recouverts d’une douce pellicule de mousse auxquels ils servaient de sentinelles attentives, de très vieux arbres nains avaient été plantés, dont la plupart ne dépassaient pas la hauteur du genou. Posés sur des pelouses de la taille d’un tapis de prière, d’extravagants rochers zoomorphes artificiellement troués par le ciseau d’un sculpteur habile peuplaient cet espace artificiel où l’on se fût néanmoins cru dans une clairière du bas des pentes du mont sacré Taishan…
    —  Où est Prospérité Singulière   ? Vu l’heure, il doit être assis au bord du bassin aux carpes en train de nourrir ses poissons, n’est-ce pas   ? demanda Tang au concierge.
    —  Détrompez-vous, mon prince… Monsieur ne quitte jamais son lit avant l’heure où le soleil monte la troisième marche vers le zénith…
    —  Il est tombé malade   ?
    —  Pour son âge, monsieur est loin d’être en mauvaise forme. Songez un peu que nous avons fêté ses quatre-vingts ans il y a plus de trois ans…
    —  S’il dort, il ne faut pas le réveiller…
    —  Monsieur doit déjà être en éveil. Monsieur ne dort en général que d’un œil…
    Le prince confia Jasmin Éthéré au concierge et entra dans la chambre où ses yeux mirent quelques secondes à s’habituer à la pénombre. Il y découvrit son vieux maître allongé sur la simple planche de bois qui lui servait de couche, la tête tournée vers l’entrée. Sur la table de nuit, il aperçut son pilulier et une tasse de thé à moitié remplie. Pour conserver ses forces, le vieil homme carburait aux « cinq pierres   », dites aussi « poudre du manger froid   », issue de l’alchimie faite de lait de stalactite et de quartz incorporé à du réalgar et à de l’orpiment, et de mica auquel on ajoutait de la poudre de ginseng Z .
    Les beaux yeux, plissés et doux, de Prospérité Singulière étaient grands ouverts. Il était visiblement très heureux et ému d’avoir son disciple à son chevet.
    —  Quel bon vent t’amène ici, mon cher Tang   ?
    Sa voix était empreinte d’émotion.
    —  Je dois me rendre à Canton… Nankin est sur le chemin. On a toujours un peu la nostalgie de l’endroit où on est né et du maître qui vous a appris à écrire et à penser…
    —  Tu es gentil   ! Moi aussi, il m’arrive de m’ennuyer de toi…
    —  Je m’en tiens à la stricte vérité. En matière de formation, je vous dois plus qu’à mon père…
    Le vieil homme le serra dans ses bras. Lorsqu’il s’en détacha, le prince, voyant qu’il pleurait, lui demanda :
    —  Comment vous portez-vous   ?
    —  Chat un jour, chien le lendemain … Ça dépend des jours. De te voir, je me sens déjà mieux qu’hier.
    —  Vous êtes trop aimable, maître Prospérité.
    —  Que deviens-tu   ? La dernière fois que tu es venu ici, tu t’apprêtais à entrer au service des Mandchous… soupira le vieil homme.
    Un voile de contrariété recouvrit le visage de Tang qui s’écria d’une voix tremblante de colère :
    —  Je n’avais pas le choix   ! Mon père était criblé de dettes. Si j’avais refusé la proposition du Palais Impérial, il aurait été contraint de vendre sa maison… Du coup, j’ai été amené à servir ces scélérats d’envahisseurs   !
    —  Je sais… Je sais tout ça… D’ailleurs, je ne me souviens pas de t’en avoir découragé… fit Prospérité Singulière d’un ton

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