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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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las, en même temps qu’un nuage de tristesse passait devant son regard en l’assombrissant.
    —  Souvent, je regrette de ne pas avoir eu votre courage. Renoncer au bol à riz en fer me paraissait à cette époque inconcevable   ! Je vous admire de l’avoir fait   !
    En réprimant une grimace et en poussant un petit gémissement de douleur, Prospérité Singulière étira ses jambes avant d’extraire de son lit son corps décharné, racorni et déformé par les rhumatismes.
    —  Ma vieille carcasse souffre de partout… Allons dehors. Nous discuterons mieux devant mes chers nénuphars. Après une nuit sans moi, ils doivent s’ennuyer   !
    Ils passèrent de la nuit de la chambre à la douce lumière du jardin et allèrent s’asseoir sous un petit abri sur pilotis qui surplombait un paysage miniature où les lacs, les montagnes, les rochers et les rivières tenaient dans un carré d’à peine un mètre cinquante de côté.
    C’était là, en méditant en silence à l’abri du monde, que le vieil homme attendait que sa vie s’achevât.
    —  La nature vous est indispensable… lui glissa Tang après que son vieux maître se fut assis sur sa pierre favorite.
    —  Notre grand philosophe Zhuangzi explique comment la perte de la nature peut s’opérer de cinq manières, qu’il faut à tout prix éviter : la perte de la vue consécutive à la fatigue oculaire engendrée par les cinq couleurs ; celle de l’ouïe, consécutive à la fatigue auditive engendrée par les cinq sons ; la fatigue cérébrale, consécutive à l’obstruction des conduits du nez par les cinq odeurs ; celle du goût, consécutive à la fatigue gustative engendrée par les cinq saveurs… mais surtout les attirances et le dégoût qui troublent l’esprit et le rendent irritable… De tout cela, j’ai réussi à me prémunir   !
    —  Comme je vous admire   !
    —  Il n’y a pas de quoi   ! J’ai simplement décidé de me placer en retrait du monde   !
    —  Belle performance pour un ancien gouverneur habitué aux honneurs… C’est un vrai tour de force que de quitter le pouvoir alors même qu’on est puissant et riche   ! lâcha, admiratif, l’élève au maître.
    —  Je ne supportais plus les contraintes de la vie auxquelles un préfet est soumis de par ses fonctions   ! Quant aux honneurs, ils ne m’ont jamais fait ni chaud ni froid…
    —  Vous êtes un vrai sage, Prospérité Singulière…
    —  Quand on veut prendre une poignée de sable, il vous échappe et votre main reste vide… Il en va ainsi des choses   ! S’y attacher est la plus grande des faiblesses   ! Quitter les fonctions prestigieuses de préfet de région pour redevenir un simple particulier ne m’a rien coûté, si ce n’est un peu d’argent. Je vis dans une belle maison, au milieu d’une nature qui me comble. Lorsque je suis en forme, je me rends au Jardin Parfumé avec mon nécessaire à encre et là, devant de vrais lacs, je dessine des saules et des pies… Je suis un lettré coulant des jours paisibles à l’écart du monde… Situation plutôt enviable, ne trouves-tu pas   ? Je serais le dernier des imbéciles de me plaindre. Parfois, je me dis que j’aurais pu finir ma carrière comme professeur de littérature ancienne au palais de la Dynastie Céleste AA à apprendre à lire et à écrire à des gosses de riches qui resteront analphabètes toute leur vie… Très peu pour moi. Plutôt que d’être membre de l’Académie Impériale, je préfère contempler mes arbres et mes oiseaux, poursuivit le vieil homme en souriant.
    —  Comme mon pauvre père… souffla le prince.
    —  Tout à fait, mon cher Tang. Tang Zhou aurait pu devenir un excellent archiviste, mais il préféra, à juste titre, se tenir à l’écart.
    —  En nous laissant crever de faim à la maison… Lorsqu’on vint me chercher, outre que mes recruteurs ne manquaient pas d’arguments solides pour me convaincre de les suivre, nous n’avions plus un seul grain de riz dans le garde-manger   ! s’écria Tang.
    Il ne pouvait s’empêcher d’en vouloir à son père de l’avoir, par son oisiveté, contraint à s’enrôler au service de la dynastie usurpatrice.
    —  Je sais fort bien tout cela, mon cher Tang… souffla le vieil homme en écrasant une larme.
    La façon dont il contemplait Tang était étrange, comme s’il se fût reproché quelque chose.
    —  Je me souviens encore du regard menaçant du ministre de l’Intérieur lorsqu’il

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