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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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lucidité.
    Une telle humilité - qui n’avait pas l’air d’être feinte - avait stupéfié Tang, habitué aux discours pontifiants des lettrés confucéens imbus d’eux-mêmes et pétris de leurs certitudes qui lui avaient appris à se conformer aux rites et aux codes des lointains empereurs Zhou.
    —  Il faut manger et dormir. Demain, si tu veux, nous continuerons cette discussion… avait conclu l’ermite en souriant.
    Tang avait parfaitement perçu l’ordre derrière cette invite. Aussi fut-ce sans poser de question qu’il s’était empiffré de riz gluant aux pousses de bambou avant de s’effondrer de fatigue sur le lit de feuillages que lui avait gentiment confectionné son hôte.
    Le lendemain, lorsqu’il s’était réveillé, le vieil homme était déjà à ses côtés, avec un bol de thé fumant dans lequel il venait de mettre un peu de beurre de yak.
    —  Excusez-moi, hier soir, je ne me suis même pas présenté. Je viens de Nankin et mon nom est Tang.
    —  L’illustre famille qui donna son nom à l’une de nos plus glorieuses dynasties…
    —  Pour vous servir.
    —  Très honoré, Tang. Vide Essentiel est mon xiaoming {20} .
    —  Hier soir, vous m’avez promis que vous m’expliqueriez pourquoi vous vivez retiré du monde…
    La réponse de l’ermite, formulée avec douceur mais de façon si intense qu’elle resterait à jamais gravée dans sa mémoire, avait été la suivante :
    —  Tout ce que tu as appris jusqu’à aujourd’hui, mon petit Tang, n’est que l’une des faces d’un vase qui en possède deux. Tu ne connais que la moitié de la vérité du monde : celle qui est visible. L’autre, l’invisible, tu n’en as même pas idée, car tu en ignores l’existence   !
    Tang, qui ne comprenait pas totalement le sens des propos de l’ermite taoïste, était interloqué. Il croyait déjà tout savoir, ou presque, et voilà que Vide Essentiel - dont la force du regard le subjuguait - lui disait au contraire qu’il n’en était rien.
    —  Vraiment   ? Mais comment le monde pourrait-il avoir une face cachée   ?
    —  Les jeunes gens bien nés dont tu fais partie sont nourris à la vérité de maître Kong. On ne leur explique que les choses visibles. S’il se tient à ce précepte, l’homme fait fausse route car il existe de nombreuses choses cachées qui ont tout autant d’importance   !
    —  Comment fait-on pour voir et comprendre ce qui est caché   ?
    —  Il faut beaucoup chercher, méditer et se laisser pénétrer par la vérité cachée   !
    —  Vous faites cela depuis longtemps…
    —  Quand ma femme est morte, il y a plus de trente ans, je me suis retiré du monde. J’ai retrouvé l’esprit de Musique Essentielle. Même si je ne la vois pas, je sens ses souffles… Elle est toujours avec moi   !
    —  Vous aimiez donc beaucoup votre épouse…
    —  Plus que ça. Elle et moi avions trouvé l’union parfaite. Comme deux instruments de musique faits l’un pour l’autre et précisément accordés : si tu les joues seuls, ce n’est pas audible; si tu les joues à deux, on entend une belle musique…
    —  Dans le Shijing , il est fait mention d’un orchestre dont les musiciens jouent de façon synchronisée…
    Tang, en bon élève confucéen, connaissait parfaitement ses classiques, en particulier les vingt-neuf instruments cités dans ce traité fondateur, le Shijing ou Livre des Odes , mais il n’avait de la musique qu’une idée théorique, ignorant tout, faute de l’avoir pratiquée, de l’enchantement des sens qu’elle procure lorsqu’on la joue ou qu’on l’écoute.
    —  Mieux encore : un orchestre dont les musiciens ne feraient plus qu’un tant ils joueraient à l’unisson   ! Tout ce que je te souhaite, c’est de trouver la femme qui est ton complément. À chaque homme correspond une femme donnée. Seuls cet homme et cette femme peuvent accomplir la Grande Fusion du Yin et du Yang.
    —  Qu’appelez-vous donc ainsi   ? demanda Tang à qui cette expression ne disait rien.
    —  Vu ton âge, j’imagine que tu n’as pas encore fait l’amour avec une femme…
    —  Mon père m’a interdit d’aller voir les courtisanes avant ma prise de bonnet viril. En principe, il doit me le remettre dès mon retour à Nankin…
    —  D’ordinaire, lorsque l’homme s’accouple avec la femme, il prend sa dose de plaisir puis, rassasié, il s’arrête. Très peu d’hommes savent faire en sorte que la femme leur en

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