La Guerre Des Amoureuses
avait trempé un morceau de
paille dans le flacon noir et en avait frotté l’extrémité sur le museau du
rongeur. Au bout de quelques secondes, l’animal s’était affaissé, mort. C’était
bien du poison ! Ludovic avait ouvert la fenêtre et jeté le cadavre dans
la cour.
C’est alors qu’il avait aperçu Isabella et ses
deux amies qui revenaient du château.
Peut-être était-ce une occasion inespérée, se
dit-il. Isabella allait sans doute dans sa chambre, elle serait seule, et il
avait du poison.
Mais comment le lui faire absorber ? Il
repensa à l’aiguière d’eau. Il avait le temps d’aller dans la chambre de la
comédienne. Il savait parfaitement crocheter une serrure, surtout celles de
cette hostellerie qui étaient d’une grande simplicité. Mais si elle ne buvait
pas ?
Ne sachant que décider, et à la recherche d’une
solution, son regard balaya sa chambre pour s’arrêter sur une coupe en terre
emplie de pommes. Isabella adorait les pommes tandis que son mari ne les aimait
pas. Ne pourrait-il pas empoisonner celles qui étaient là, et les déposer chez
elle ?
Il revint à la fenêtre. Isabella était
toujours dans la cour et parlait maintenant avec ses amies. Il se saisit de
deux des pommes, parmi les plus belles, et les perça plusieurs fois près de la
queue avec une grosse aiguille qu’il utilisait pour attacher son costume de scène,
évidant le plus possible l’intérieur du trou. Ensuite, dans le creux, il fit couler
une bonne partie du flacon. Les trous absorbèrent rapidement le liquide. Tout
ceci n’avait pas pris deux minutes. En même temps, il jetait par moments un
regard dans la cour. Isabella y était toujours. Quand le poison fut entièrement
absorbé, il prit l’aiguille, les pommes et sortit. La chambre des Andreini
était à deux portes de la sienne. Il tordit l’aiguille et l’introduisit dans la
serrure, faisant rapidement basculer le pêne. Il entra. La première chose qu’il
vit fut la coupe de pommes. Il en retira trois et plaça les deux siennes
au-dessus, puis il ressortit. Des bruits de pas retentissaient déjà dans l’escalier
de bois, faisant grincer les marches. N’ayant pas le temps de refermer, il se
précipita chez lui.
Pendant ce temps, la souris, qui était tombée
sur de la paille au pied de sa fenêtre, avait repris connaissance et détalé.
Dans la cour, Isabella avait demandé à ses
deux amies si elles savaient où logeait M. Hauteville, car à force de
tourner et de retourner son dilemme dans sa tête, elle avait songé à ce jeune
homme avec qui elle avait plusieurs fois parlé et qui était l’ami du prévôt de
la Cour. Elle s’était dit qu’elle pourrait lui raconter ce qu’avait entendu
Gabriella, et lui demander conseil. Il l’écouterait et, s’il le jugeait utile, il
en parlerait à son ami sans qu’elle soit incriminée.
Flaminia venait justement de lui dire qu’il
logeait dans la même hostellerie qu’eux, à l’étage au-dessus. Elle l’avait vu
le matin même. Isabella s’était donc renseignée auprès d’une servante de l’hôtellerie
qui lui avait confirmé la présence d’Olivier Hauteville dans sa chambre.
Comme elle était avec ses amies, elle pouvait
aller voir le jeune homme chez lui sans risquer sa réputation. Il lui suffirait
de lui parler seule à seule, sous la surveillance à distance de celles-ci. Elle
leur annonça son dessein, en le justifiant par une demande de renseignements
sur la prochaine étape de la Cour, et leur demanda de l’accompagner, ce qu’elles
acceptèrent avec plaisir, car Olivier était beau garçon et les deux comédiennes
fort sensibles aux jeunes gens.
Seulement, comme elles avaient faim, elles se
rendirent dans leur chambre chercher un fruit. Isabella fut surprise de trouver
la porte de la sienne ouverte, mais elle se dit que son mari – ils avaient
chacun une clef – avait dû oublier de fermer. Elle entra, prit deux pommes et
rejoignit ses amies. Ensemble, elles montèrent à l’étage. Au palier, Isabella
planta ses dents de nacre dans un fruit. La servante lui avait dit qu’Hauteville
logeait à la troisième chambre. En marchant, elle avala sa bouchée, puis s’arrêta
devant la porte et gratta à l’huis. À cet instant, elle s’écroula.
Entendant les hurlements provenant de l’étage
au-dessus, Ludovic se précipita, le cœur battant. Quand il arriva dans la
chambre d’Olivier Hauteville, Maria et Flaminia étaient autour du lit à
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