La Guerre Des Amoureuses
vous perdais pas de vue, monsieur,
ainsi que Gisbert, qui vous a suivis, fit l’Allemand en bon français.
— Vous montez la garde ?
— Toujours ! Il y a deux autres
compagnons derrière l’église. Notre prévôt ne laisse rien au hasard, monsieur, dit-il,
en s’écartant pour leur laisser le passage.
Mais M. de Mornay ne fit pas mine d’entrer
et se tourna vers Olivier.
— Monsieur Hauteville, M. Poulain ne
participera pas à la bataille de Garde-Épée, vous savez pourquoi. Je veux que
vous restiez avec lui.
— Comment ? s’insurgea Olivier. Quelqu’un
d’autre que moi délivrerait Cassandre ?
— Ce quelqu’un sera moi, son père, dit
fermement Mornay en lui prenant à nouveau l’épaule. J’en ai le droit ! Laissez-moi
vous expliquer : cette bataille sera sanglante, sans merci. De part et d’autre,
les combattants seront des hommes d’armes expérimentés. De surcroît, les gens
de la duchesse de Montpensier sont au moins deux fois plus nombreux que nous… Il
y a Maurevert… Si vous étiez blessé, ou tué… ma fille ne me le pardonnerait pas.
Olivier secoua la tête, repoussa la main et s’écarta
de Mornay comme s’il était un adversaire.
— Je ne suis qu’un bourgeois de Paris, monsieur,
et vous pensez qu’un bourgeois ne peut avoir de cœur ? Que je serais un
poltron ? Mais quelle estime aurait votre fille envers moi si je me
cachais au moment de sa délivrance, si je quittais la bataille avant qu’elle ne
commence ? fit-il avec agressivité.
— Ne te fâche pas, Olivier ! intervint
Nicolas. M. de Mornay a raison. Les gens de Mayenne auxquels nous
allons nous attaquer seront redoutables.
— Laisse-moi, Nicolas ! cria Olivier.
Tu sais que je voulais venir seul jusqu’ici pour prévenir Cassandre ! Vous
ne pourrez ni l’un ni l’autre m’empêcher d’être au premier rang. C’est mon combat !
Il planta ses yeux dans les yeux de Mornay.
— Vous savez ce qu’elle m’écrivait :
Mon
cœur, si jamais vous m’avez fait cet honneur de m’aimer,
Il
faut que vous me le montriez à cette heure.
» Je suis
venu pour le montrer, gronda-t-il.
Le pape des huguenots hocha la tête. Ce serait
donc au destin de décider.
De l’autre côté de
la porte, deux lansquenets, espadons à la main, montaient aussi la garde. Les
autres jouaient aux cartes, aiguisaient leur mutileuse, ou vérifiaient les
rouets de leurs arquebuses. Venetianelli dormait, enroulé dans une couverture, et
Ludovic Gouffier, assis, méditait sur son avenir.
Nicolas Poulain rassembla les lansquenets. Ils
savaient déjà tous qu’ils allaient prendre une maison forte en passant par un
souterrain, car leur chef et prévôt le leur avait annoncé.
— Ludovic Gouffier est le seul à
connaître les lieux. Il va nous tracer sur ces dalles un plan sommaire de
Garde-Épée.
Gouffier s’approcha et, avec une pierre
blanche, raya les dalles de l’église, délimitant la cour de Garde-Épée, et la
position du logis principal. Il ne pouvait faire plus, car il ne connaissait
rien de son intérieur. Ensuite, il dit quelques mots du souterrain et de la
porte de fer.
Antoine distribua les lanternes et les torches
tandis que Nicolas Poulain expliquait son plan :
— Il y a une heure de marche dans le
souterrain. Arrivés à la porte, les deux premiers hommes descelleront les gonds
et ôteront les clous. Comme la plaque de fer tombe en morceaux, une fois sans
soutien, il sera aisé de pousser la porte. Seulement, j’ignore ce qu’il y a de
l’autre côté. Peut-être faudra-t-il se battre dès ce moment-là s’il y a des
sentinelles. Le plus probable cependant est que l’on arrivera dans une cave.
M. de Mornay, qui dirigera ensuite l’entreprise, va maintenant vous
donner ses instructions. Je ne pourrai y participer, car ceux que nous allons
attaquer ne doivent pas me reconnaître.
— Nous sommes vingt-deux et ils sont plus
de cinquante, dont la plupart sont des soldats de Mayenne, dit Mornay, nous ne
pourrons donc pas nous offrir le luxe de faire de prisonniers. Nous envahirons
la maison, et nous tuerons tous ceux qui s’y trouvent, même ceux qui dorment. Je
vais vous répartir en quatre groupes : le premier sortira dans la cour. Monsieur
Gouffier, vous en ferez partie, car vous guiderez les autres jusqu’au porche
pour empêcher quiconque de sortir. Monsieur Venetianelli, vous resterez avec M. Gouffier.
Mornay ne le dit pas, mais comme il jugeait
peu probable
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