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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
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s’adoucirent au-dessus d’une ébauche de sourire et il acquiesça de la tête. Puis il se retourna pour descendre la tranchée et elle l’entendit rire doucement de quelque mystère secret.
    — Je veux venir, insistait Tania, les bras croisés sur la poitrine.
    — Taniouchka, tu peux pas ! protesta Shaïkine. Ce serait pas convenable.
    — Ha ! Parce que pour toi, c’est convenable. Qu’est-ce qu’elle écrirait dans sa prochaine lettre, ta femme, si elle était au courant ? « Mon cher Ilya Alexeyevitch, je suis si contente que tu aies trouvé une maison close à Stalingrad. Je trouve cela étonnant, mais j’espère que ça t’aide à te détendre… »
    Tchekov ricana derrière Shaïkine.
    — Je viens, répéta Tania.
    — Ilioucha, laisse-la venir, intercéda Tchekov, posant une main sur l’épaule de son coéquipier. Tania, tu promets de partir quand on te le demandera ?
    — Non. Je partirai quand j’en aurai envie.
    — Là, tu vois ! explosa Shaïkine en levant les bras au ciel. Elle va tout gâcher.
    Tania enfonça un pied dans le sol de la tranchée pour projeter de la terre sur les bottes de Shaïkine.
    — Comment je pourrais bien tout gâcher ? Deux femmes tiennent un bordel dans une cave en plein champ de bataille. Qu’est-ce que je pourrais faire qui les empêcherait de travailler ? Tu crois qu’elles sont timides ? Ou alors tu as peur que je craque et que je me mette à pleurer ?
    Les traits de Shaïkine se durcirent. Tania, qui ne s’attendait pas à une telle résistance, changea de ton.
    — Ne t’en fais pas, Ilya, je serai partie bien avant que tu baisses ton pantalon, le rassura-t-elle. Je veux simplement rencontrer ces femmes. Je suis curieuse. Laisse-moi venir. Je me conduirai bien, juré.
    Elle s’éloigna pour les laisser prendre une décision. Le soleil s’était accroupi dans les ruines, à l’ouest. Derrière les bâtiments, la crête du Mamayev Kourgan luisait comme une peau brûlée par le soleil. Le sommet sans neige, réchauffé par des bombardements incessants, demeurait aux mains des Allemands.
    Tania imaginait un bordel niché dans les décombres. Parfait rapprochement des contraires : l’acte sexuel dénué d’amour, des hommes et des femmes sales, grognant, creusant un trou, cherchant quelque chose de doux et de réconfortant pour ne trouver que du vide, d’autres trous, encore Stalingrad. Mais, dans son cœur de femme, elle sentait qu’il y avait peut-être quelque chose d’héroïque chez ces femmes « distrayant » les soldats russes, comme le disait Tchekov. Quelque chose de fataliste. Plus que des maîtresses au rabais, n’étaient-elles pas de belles femmes tristes poussées au bord du désespoir — comme elle-même l’avait été — par la mort d’êtres chers, leur vie brisée par les nazis ? La souffrance et l’avilissement avaient-ils été pour ces femmes une deuxième naissance, ou n’étaient-elles que des courtisanes dissolues tentant de couvrir leurs paris ? Si les Allemands prenaient la ville, les putains locales auraient à coup sûr le sort le plus enviable parmi les survivants.
    Tania se sentait insultée par le refus timide des hommes de la laisser les accompagner. Elle avait abattu autant de Boches que Shaïkine, Que verrait-elle qui pourrait la choquer dans une cave poussiéreuse abritant deux femmes peinturlurées ? Je ne resterai pas longtemps, pensa-t-elle, juste assez pour faire la connaissance de ces filles, voir comment elles sont, peut-être taquiner un peu Shaïkine et Tchekov. Puis je retournerai à l’abri pour ma propre « distraction », pour me faire pardonner par Vasha.
    Les deux soldats se mirent en route, Shaïkine agitant les mains en direction de Tania pour la chasser devant lui, comme une brebis barrant la route.
    — Bon, tu veux venir, alors, vas-y ! cria-t-il d’une voix aiguë. Avance, avance !
    Tchekov la dépassa.
    — C’est pas loin, Tania, dit-il. Suis-moi.
    Il les conduisit à l’extrémité nord de la tranchée. Après avoir compté jusqu’à trois, les lièvres bondirent à découvert, coururent sur une vingtaine de mètres, se jetèrent dans un trou d’obus. Haletant, Tchekov observa le ciel.
    — Le soleil se couche. On a intérêt à se presser.
    Tania roula sur elle-même.
    — Se presser ? Pourquoi ?
    — Elles ferment à la tombée de la nuit.
    — Tu les connais bien, ces femmes, Anatoli ?
    Le sourire de Tchekov se transforma en petite moue satisfaite.
    — Ouais, pas mal.
    — Hm,

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