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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
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qu’il a lu tous les articles sur toi. Il sait que le Lièvre ne tirerait pas sur un casque au bout d’un bâton. En t’abstenant de tirer, aujourd’hui, tu lui as révélé ta présence.
    Elle cessa de frotter ses genoux, examina ses paumes comme une voyante sonde le marc de café.
    — Il est imprévisible, poursuivit-elle. Toi, tu suis ta routine.
    Zaïtsev s’allongea sur sa couverture sans relever le commentaire. Qu’est-ce qu’elle en sait ? pensa-t-il. C’est une femme, presque un bleu encore. Elle est pas là-bas avec moi à scruter les ombres, à chercher son tueur personnel. La routine ! La seule routine que je suis, c’est ça : quand je tire, quelqu’un meurt. Un homme, une balle. Thorvald fera pas exception.
    La remarque de Tania le troublait cependant. Et si elle avait raison ? Je suis harcelé par les détails et les nuances dans cette bataille avec Thorvald. Elle qui a du recul, elle voit peut-être mieux les choses.
    Merde. Elle a raison. C’est bien une routine, et Thorvald la connaît. Un homme, une balle. Ma devise déclarée, imprimée noir sur blanc. Non, pas ma devise, ma foutue vantardise. Il la connaît, il l’a lue je sais pas combien de fois dans ces articles. Je devrais tordre le cou de Danilov pour avoir donné toutes ces informations dans Pour la défense de notre pays. Il m’a attaché des ficelles aux pattes, il a fait de moi une marionnette que Thorvald peut maintenant faire danser. Thorvald sait comment je chasse, il connaît tous mes trucs. Quand je n’ai pas tiré sur le casque, ce matin, il a su que c’était moi, Tania a raison. J’aurais dû arrêter de raconter tout ça à Danilov, j’aurai dû dire à ce gnome : « Plus d’interviews ! » Mais je l’ai pas fait. Et ça me plaisait, cette célébrité. Je me roulais dedans comme un chien dans l’herbe haute. Maintenant, ma piste est tellement imprégnée de mon odeur que Thorvald n’a aucun mal à la suivre. Un héros, le Lièvre ? Un bel imbécile ! J’affronte un maître tireur dont je ne sais rien ; lui, il observe pardessus le no man’s land un ennemi sur lequel il a quasiment lu un bouquin.
    Et il utilise mes propres tactiques contre moi. Fais-toi passer pour un débutant. Amène ton ennemi à baisser sa garde. Pousse-le à l’imprudence. Irrite-le. Perturbe son calme, use son endurance. Le casque au bout d’un bâton, c’était pas du tout une ruse idiote, elle a provoqué ma colère. Thorvald le sait. Pire, il me fait un cours sur ma propre tactique.
    Zaïtsev repensa aux dizaines de fois où il avait joué le même petit jeu avec d’autres tireurs d’élite allemands. Provoquer leur colère, transformer la bataille en vendetta personnelle. Il se rappela le jour où, près des Barricades, il avait abattu l’un des deux tireurs allemands embusqués derrière un talus de voie ferrée. Après sa première balle — dont il était sûr qu’elle avait fendu le nez du Boche - Zaïtsev avait levé au-dessus de sa tête un bout de planche portant le nombre 10 griffonné au charbon de bois. La note maximale dans un championnat de tir. Après avoir attendu quelques minutes pour laisser le nazi ruminer le culot de ce Russe étrange, Zaïtsev avait placé son casque sur un bâton, il l’avait baladé au-dessus du parapet et, quelques instants plus tard, Tchekov avait descendu l’autre Allemand. Énervé, cet imbécile n’avait pu s’empêcher de tirer sur le casque. Moralité : ne jamais en faire une affaire personnelle.
    Tania a raison : je suis prisonnier de ma routine. Thorvald a réussi à me désorienter, à me mettre en colère. Il me mène où il veut, comme si j’avais une laisse. J’ai transformé le duel en vendetta pour lui faire payer la mort de mes lièvres. Il les a abattus parce que c’était le meilleur moyen d’arriver à moi. Ça a marché.
    Avant que Zaïtsev puisse répondre à Tania, la couverture de l’entrée s’écarta. Les boutons dorés d’une longue capote, ceux qui ornaient la poitrine du capitaine Danilov, pénétrèrent dans la casemate.
    Aux yeux de Zaïtsev, le zampolit paraissait déplacé dans l’abri des tireurs d’élite, même s’il y était venu souvent. Ce soir-là, peut-être parce qu’à cause de l’acuité de son duel avec le Professeur, Zaïtsev fut ulcéré par la présence du gros commissaire. C’est un endroit pour les combattants, pensa-t-il, des hommes et des femmes endurcis, forts, essentiels. Et ce nabot large comme une barrique se

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