Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Robbins
Vom Netzwerk:
détruira ton village, avertissait l’une d’elles. L’ennemi doit être anéanti à Stalingrad ! Ou encore : Soldat, le pays n’oubliera pas ton courage !
    Après trois kilomètres dans la forêt, la colonne fit halte. Batiouk ordonna aux hommes de quitter le chemin pour se noircir le visage et les mains avec de la graisse et de la poussière. Tandis que les marins plongeaient les doigts dans les pots de graisse, une centaine de soldats blessés passèrent lentement sur la route dans l’autre sens.
    Les hommes aux pansements ensanglantés se soutenaient l’un l’autre. Ceux dont les jambes étaient encore valides aidaient leurs camarades à avancer en claudiquant ; ceux qui voyaient encore guidaient les aveugles. Ceux qui avaient conservé l’usage de leurs deux bras portaient des civières. On eût dit que la fournaise de la bataille avait fondu ces hommes ensemble et qu’ils marchaient maintenant comme une seule créature géante mutilée.
    Bouche bée, les Sibériens contemplaient la souffrance de ces soldats. Repérant parmi eux un blessé qui portait encore son maillot de marin, ils lui firent signe de les rejoindre sur le bord du chemin.
    — Viens t’asseoir un instant, camarade !
    Grimaçant, le marin se laissa tomber sur un sac à dos.
    Plusieurs mains lui tendirent des cigarettes. L’homme épuisé en accepta une, demanda qu’on la lui allume en montrant son bras droit. Il n’avait plus de main.
    Une bouteille de vodka circula dans le groupe.
    Le marin tira avidement sur sa cigarette, leva les yeux vers les visages noircis qui l’entouraient.
    — Na zdorovye, dit-il avant d’avaler une rasade. Vous en faites pas pour ça, ajouta-t-il, indiquant son moignon. Je leur ai fait payer cher. D’où vous êtes ?
    — De Sibérie. On est venus de loin pour se battre.
    — Les Allemands aussi, murmura le blessé.
    Il laissa son menton tomber sur sa poitrine et des bras se tendirent pour le rattraper, comme s’il allait s’effondrer. Mais le marin se releva et regagna la file dépenaillée des blessés.
    En passant devant Zaïtsev, il s’arrêta pour regarder le large visage sibérien, leva la main qu’il lui restait pour ficher sa cigarette au coin de sa bouche. Des cendres tombèrent sur son maillot déchiré. Tapotant du pouce la poitrine de Zaïtsev, il lui enjoignit :
    — Tue-les, hein.
    Les Sibériens émergèrent de la forêt sur la rive gauche de la Volga. Sur l’autre berge, distante de deux kilomètres, ils découvrirent une ville en éruption. Stalingrad, où vivaient naguère un demi-million de personnes, semblait ne plus abriter un seul être vivant.
    Un millier de feux l’embrasait. Au-dessus des falaises de craie, des murs sans toit se dressaient le long d’avenues jonchées de décombres fumants. Des colonnes rouges de poussière de brique montaient dans l’air. Des bâtiments vacillaient, s’effondraient comme si la ville parcourue de tremblements n’était plus qu’une coquille déchiquetée sous laquelle une force énorme, déterminée, soulevait le sol pour parvenir à la surface.
    Allongé dans le sable, les yeux fixés sur le déluge de feu faisant rage de l’autre côté des eaux noires et huileuses de la Volga, Zaïtsev pensa aux descriptions que sa babouchka Dounia faisait de l’enfer. Il sentit sur sa joue une bouffée d’air portant la chaleur et l’odeur âcre d’un haut-fourneau. Comment des hommes pouvaient-ils combattre dans ces ruines ?
    Le capitaine Ion Lebedev, un commissaire politique, s’assit dans le sable à côté de lui et lui demanda :
    — Tu es prêt, camarade adjudant ?
    Zaïtsev regarda le zampolit dont le visage se fendit d’un sourire édenté.
    — Est-ce que quelqu’un t’a vraiment répondu : « Non, je suis pas prêt, camarade Lebedev » ?
    — Nous avons deux cents hommes sur cette rive. Quelques-uns ont besoin qu’on les aiguillonne un peu pour entrer dans ça, dit le commissaire, tendant le menton vers la ville en flammes.
    Zaïtsev n’avait aucune sympathie pour les commissaires. Il avait subi leurs discours, leurs « coups d’aiguillon » pendant des semaines. Il les avait écoutés des heures d’affilée, lui semblait-il : dans le train, dans la steppe, et maintenant sur la rive. Il n’avait pas besoin de conseils ; il n’aimait pas avoir l’impression qu’on ne lui faisait pas confiance, qu’on ne le sentait pas prêt à se battre et à mourir pour la rodina. Zaïtsev avait été un membre zélé du Komsomol et

Weitere Kostenlose Bücher