La Guerre Du Feu
et, comme sa vitesse dépassait de beaucoup celle des Kzamms et de Gaw, qui ménageaient leur souffle, il arriva en vue du bois avant que le fugitif ne s’y fût engagé.
Maintenant, il lui fallait faire connaître sa présence. Il imita la bramée de l’élaphe, en la répétant trois fois : c’était un signal familier aux Oulhamr. Mais la distance était trop grande ; Gaw aurait peut-être entendu en temps ordinaire : las, son attention tendue sur les poursuivants, le rappel lui échappa.
Alors, Naoh se décida à paraître : il jaillit des hautes herbes, surgit devant les ennemis et poussa son cri de guerre. Un long hurlement, répété par les partis de Kzamms qui survenaient à l’ouest et à l’est du bois, se répercuta dans l’espace. Gaw s’arrêta, tremblant sur ses jarrets – de joie et d’étonnement – puis, donnant toute sa vitesse, il accourut vers le fils du Léopard. Déjà celui-ci, sûr d’être suivi, fuyait selon la ligne praticable. Mais le troisième parti de Kzamms, averti, avait aussi changé de route et se précipitait pour couper la retraite, tandis que les premiers poursuivants se portaient à grande vitesse dans une direction presque parallèle à celle des fugitifs. Ces manœuvres réussirent : la route de l’ouest se trouva bloquée à la fois par des Kzamms et par une masse rocheuse, presque inaccessible, et il devenait impossible de s’infléchir vers le sud-ouest où des guerriers formaient un demi-cercle.
Comme Naoh menait directement Gaw vers le roc, les Kzamms, resserrant leur étreinte, poussèrent un cri de triomphe ; plusieurs parvinrent à cinquante coudées des Oulhamr et lancèrent des sagaies. Mais Naoh, traversant un rideau de broussailles, entraînait son compagnon à travers un défilé entrevu du haut de la colline.
Les Kzamms hurlaient ; quelques-uns se hissèrent à leur tour jusqu’au défilé ; les autres tournèrent l’obstacle.
Cependant, Naoh et Gaw fuyaient de toute leur vitesse ; ils eussent pris une avance considérable si le terrain n’avait été si rude, si inégal et si mouvant. Quand ils ressortirent à l’autre extrémité de la masse rocheuse, trois Kzamms débouchaient du nord et coupaient la retraite. Naoh eût pu biaiser en se rejetant au midi ; mais il entendait le bruit croissant de la poursuite : il sut que de ce côté aussi sa course allait être arrêtée. Toute hésitation devenait mortelle.
Il s’élança droit sur les survenants, la massue d’une main et la hache de l’autre, tandis que Gaw saisissait son harpon. Craignant de laisser échapper les Oulhamr, les trois Kzamms s’étaient éparpillés. Naoh bondit sur celui qui était vers sa gauche. C’était un guerrier très jeune, leste et flexible, qui leva sa hache pour parer l’attaque. Un coup de massue lui arracha son arme ; un second coup l’abattit.
Les deux autres Dévoreurs d’Hommes s’étaient précipités sur Gaw, comptant le terrasser assez vite pour réunir leurs forces contre Naoh. Le jeune Oulhamr avait dardé une sagaie et blessé, mais faiblement, un des agresseurs. Avant qu’il eût pu frapper de l’épieu, il était atteint à la poitrine. Un recul rapide, puis un bond transverse, lui permirent de se mettre en garde. Tandis que l’un des Kzamms l’attaquait de face, avec vélocité, l’autre cherchait à le frapper par-derrière : Gaw allait succomber, lorsque Naoh arriva. L’énorme massue s’abattit avec le bruit d’un arbre qui croule ; un Kzamm craqua et s’affaissa ; l’autre battit en retraite, vers un groupe de guerriers qui, débouchant au nord, s’avançait à grande allure.
Il était trop tard. Les Oulhamr échappaient à l’étreinte ; ils fuyaient vers l’ouest, le long d’une ligne où aucun ennemi ne leur barrait le passage ; à chaque bond, ils augmentaient leur avance.
Ils coururent longtemps, tantôt sur la terre sonore, tantôt sur la fange ou parmi les herbes sifflantes, tantôt dans la brousse ou dans les tourbières, tantôt gravissant les côtes et tantôt dévalant éperdument. Bien avant que le soleil fût au milieu du firmament, ils avaient six mille coudées d’avance. Souvent ils espérèrent que l’ennemi cesserait la poursuite, mais, lorsqu’ils atteignaient une cime, ils finissaient toujours par découvrir la meute acharnée des Dévoreurs d’Hommes.
Or Gaw s’affaiblit. Sa blessure n’avait pas cessé de répandre du sang. Quelquefois ce n’était qu’un filet
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