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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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familiers que mon livre de prières, mais je n’aurais pas pu
déchiffrer l’écriture d’une dame.
    « Regardez-moi. »
    Je le regardai. Je m’efforçai
d’être l’épouse de Van Ruijven.
    Il s’éclaircit la voix.
« Elle portera le mantelet jaune », annonça-t-il à Van Leeuwenhoek qui
approuva de la tête.
    Mon maître se leva, ils
installèrent la chambre noire, l’orientant vers moi, puis ils se relayèrent
pour regarder à l’intérieur. Sitôt qu’ils furent courbés au-dessus de celle-ci,
la tête sous la robe noire, il me fut plus aisé de rester là, assise, sans
penser à rien, comme il le souhaitait.
    Il demanda plusieurs fois à Van
Leeuwenhoek de déplacer le tableau accroché au mur du fond puis, enfin satisfait
de sa position, il lui fit ouvrir et refermer les volets, tout en gardant
lui-même la tête sous la robe noire. Ayant obtenu l’effet recherché, il se
leva, replia la robe noire, la posa sur le dossier de la chaise et alla prendre
sur le bureau un papier qu’il tendit à Van Leeuwenhoek. Ils entamèrent une
discussion à son sujet, il s’agissait d’affaires de la Guilde au sujet
desquelles mon maître voulait son avis. Ils parlèrent longtemps.
    Van Leeuwenhoek finit par lever
la tête. « Pour l’amour de Dieu, cher ami, laissez cette demoiselle
retourner à son travail. » Mon maître me regarda, étonné de me voir
toujours assise devant la table, la plume à la main. « Griet, vous pouvez
aller. »
    En partant, je crus lire
certaine compassion sur le visage de Van Leeuwenhoek.
     
    *
     
    Il laissa la chambre noire
plusieurs jours dans l’atelier, il me fut donc possible de regarder au travers
à plusieurs reprises alors que je me trouvais seule. Je passai ainsi un certain
temps à étudier les objets sur la table. Quelque chose au sujet de la scène
qu’il allait peindre me gênait. Cela revenait à regarder un tableau accroché de
travers, je voulais changer quelque chose mais ne savais quoi. La chambre noire
ne me donna pas de réponse.
    Un jour, l’épouse de Van
Ruijven revint, il la regarda un long moment dans la chambre noire. Tandis
qu’il avait la tête couverte, je traversais l’atelier sur la pointe des pieds
pour ne pas les déranger. Je restai un moment derrière lui pour regarder la
composition où, cette fois, elle figurait. Elle devait m’avoir vue, mais elle
n’en montra rien, continuant à le regarder fixement de ses yeux sombres.
    Il me vint à l’esprit que la
scène était trop bien ordonnée. Même si j’attachais beaucoup de prix à l’ordre,
je savais, d’après ses autres tableaux, que la table devait présenter quelque
désordre, un détail qui provoquât l’attention. J’étudiai chaque objet, le
coffret à bijoux, le tapis de table bleu, les perles, la lettre, l’encrier,
décidant ce que je changerais. Je remontai sans bruit au grenier, étonnée de ma
propre audace.
    Une fois que je perçus
clairement la façon dont il devrait modifier la scène, je m’attendis à ce qu’il
change quelque chose.
    Il ne déplaça rien sur la
table. Il ajusta légèrement l’ouverture des volets, l’inclinaison de sa tête,
l’angle de la plume, mais il ne changea pas ce à quoi je m’attendais.
    J’y pensais en essorant les
draps ou en tournant la broche pour Tanneke, j’y pensais en lavant les dalles
de la cuisine ou en rinçant les couleurs. J’y pensais, le soir, dans mon lit,
il m’arrivait même de me lever pour regarder une fois de plus. Non, je ne me
trompais pas. Il finit par rendre la chambre noire à Van Leeuwenhoek.
    Chaque fois que je regardais la
composition, ma poitrine se serrait, comme si quelque chose l’opprimait.
    Il posa une toile sur le
chevalet et la couvrit d’une couche de céruse et de craie mélangées à de la
terre de Sienne et de l’ocre jaune.
    Ma poitrine se serra plus
encore, je continuai à attendre…
    Il esquissa dans les tons
fauves les contours de la femme et de chaque objet. Quand il se mit à poser les
« fausses » couleurs, je crus que ma poitrine allait éclater telle
une outre trop pleine.
    Un soir, alors que j’étais
couchée, je décidai qu’il me faudrait procéder moi-même au changement.
    Le lendemain matin, en faisant
le ménage, je repoussai avec précaution le coffret à bijoux, réalignai les
perles, déplaçai la lettre, astiquai l’encrier et le déplaçai également. Je
respirai à peine puis, d’un geste rapide, je tirai sur le devant de la nappe
bleue, donnant

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