La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
avec rudesse.
– Mettez d’abord mon père, et ensuite ma mère. Je veux qu’elle soit au-dessus.
Au moment de la dispersion, Angela lui dit :
– Hannitante et Paula rentrent chez nous passer la Noël ; j’espère que tu vas venir aussi. Tu sais, Adolf, Leo ne te veut que du bien…
Adolf la remercia d’une voix neutre.
– Merci, Angela, je passerai demain soir, mais pour l’instant je préfère rester seul ici.
Il regarda les fossoyeurs fermer la tombe avec des planches et la recouvrir d’une grande bâche.
– On peut rien faire de plus pour l’instant. Le thermomètre est si bas que le ciment prend mal ; aussi, quand il fera moins froid, on viendra sceller la dalle.
Dès qu’il fut seul, Adolf s’approcha de la tombe et médita un moment sur le destin de ces stupides métastases qui s’étaient littéralement suicidées en tuant l’organisme qui les nourrissait.
Le clocher en bulbe d’oignon de l’église sonna la demie de 9 heures. Il quitta le cimetière sans un regard pour son ancienne maison et marcha jusqu’à Urfahr. Il franchit le
pont, traversa la Franz-Josefsplatz et entra dans la Landstrasse où se trouvait le cabinet médical du docteur Bloch.
– Soixante-dix-sept consultations à domicile, quarante-sept traitements à l’iodoforme, soit un total de trois cent soixante Kronen . Moins l’acompte de soixante Kronen payé par ta mère, ce qui fait trois cents Kronen , dit le médecin en lui présentant ses honoraires.
Adolf les acquitta sans y jeter un regard. Avant de sortir, il serra chaleureusement la main du médecin.
– Je vous suis reconnaissant pour tous vos efforts, Herr Doktor.
– Je n’ai fait que mon devoir, mon garçon ; il est seulement regrettable que ta mère ne se soit pas souciée de sa santé plus tôt.
Dans la rue, il prit la direction de la Klammerstrasse où se trouvait l’atelier Kubizek und Söhne. Il remercia la famille pour sa réconfortante présence lors des obsèques. La mère d’August l’invita à célébrer la Noël en leur compagnie.
– Je vous remercie, Frau Kubizek, mais Angela m’a déjà invité. Hannitante et la petite y sont déjà.
Le jeune homme prit congé. August l’accompagna un bout de chemin.
– Tu vas vraiment chez les Raubal ?
– Bien sûr que non, mais il fallait que je donne une raison à ta mère.
– Je me disais aussi.
– Tu ne l’as pas entendu au cimetière, ce crétin intégral m’a conseillé de reprendre mes études… et quand j’ai refusé, tiens-toi bien, il m’a proposé un emploi d’apprenti boulanger ! Pourquoi pas peintre en bâtiment ! Du vivant de ma mère il n’aurait jamais osé !
– Mais puisque tu ne vas pas chez Raubal, viens chez nous, tu es le bienvenu, tu as entendu ma mère…
Adolf grimaça un sourire auquel seule la bouche participait.
– Je sais, Gustl, je t’en remercie, mais je préfère rester seul…
Ses yeux brillèrent lorsqu’il ajouta :
– Qui sait, peut-être que j’irai voir Stefanie ?
Ils se serrèrent la main à l’entrée du pont et August regarda son ami s’éloigner vers Urfahr. Pour la première fois il ne l’envia pas : pire, il le plaignit.
***
Le col du manteau relevé jusqu’aux joues, le haut-de-forme enfoncé jusqu’aux oreilles, Adolf traversa la Marktplatz d’Urfahr et s’engagea dans la Hauptstrasse, ignorant le tramway électrique qui l’aurait conduit en vingt minutes au Pöstlingberg. Il marcha d’un pas vif une heure et demie et arriva au sommet à bout de souffle. Il se pelotonna sur un banc, et là, perdu dans son chagrin comme un marin tombé à la mer, il attendit sans espoir.
À la tombée de la nuit, frigorifié à un point qu’on imagine très bien, Adolf redescendit vers la ville. Il faisait nuit quand il arriva dans la Hauptstrasse aux trottoirs encombrés de passants les bras chargés de cadeaux.
Dans un éclair de terrible lucidité, il renonça à se rendre dans la Kreuzgasse où habitait Stefanie. Au lieu de quoi, il rebroussa chemin et prit la direction de la Blütengasse. Dès ses premiers pas dans le vestibule, l’odeur d’iodoforme lui étreignit la gorge et le cœur, pourtant toutes les fenêtres de l’appartement étaient ouvertes.
Il bourra la cuisinière de charbon et l’alluma avec des pages d’un vieux Tagespost , puis il passa au salon et fondit en larmes à la vue de l’empreinte du corps de sa mère laissée sur le drap et l’oreiller. Il retourna dans la
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