La lance de Saint Georges
herbeuse et fut immédiatement atteint au visage par un
carreau qui le projeta en arrière, le casque éclaboussé d’une fine brume de
sang. Le trait l’avait atteint à la racine du nez, le tuant sur le coup et lui
laissant sur le visage une expression contrariée. Son cimeterre tomba dans la
boue aux pieds de Thomas qui mit son arc à l’épaule et ramassa l’arme. Elle
était étonnamment lourde. C’était un simple outil à tuer avec un bord destiné à
trancher grâce au poids de la large lame, un bon instrument pour la mêlée. Un
jour, Will Skeat avait raconté à Thomas qu’il avait vu décapiter un cheval
écossais d’un seul coup de cimeterre. La seule vue de cette terrible lame
suffisait à remplir de terreur.
Sur le bateau, les hobelars achevaient les défenseurs. Après
quoi, ils poussèrent un cri dans leur étrange langage et sautèrent sur la rive.
Thomas les ayant suivis, il se trouva parmi des assaillants pris de folie qui
couraient en ordre dispersé vers une rangée de hautes et riches maisons
défendues par ceux qui s’étaient échappés des bateaux et par des habitants de
Caen. Les arbalétriers eurent le temps de lancer une volée de carreaux mais ils
étaient nerveux et ratèrent pour la plupart leurs cibles. Ensuite, les
assaillants se jetèrent sur eux comme des chiens sur un cerf blessé.
Thomas brandissait son cimeterre à deux mains. Un
arbalétrier tenta de se protéger avec son arme mais la lourde lame trancha le
bois comme si c’était de l’ivoire et s’enfonça dans le cou du Français.
Lorsqu’il retira la lourde épée et frappa l’arbalétrier d’un coup de pied entre
les jambes, un flot de sang jaillit, passant au-dessus de sa tête. Un Gallois
enfonçait sa lance dans les côtes d’un Français. Thomas trébucha sur le corps
de celui qu’il avait tué, reprit son équilibre et lança le cri de guerre des
Anglais « Saint Georges ! » Il abattit à nouveau sa lame,
tranchant l’avant-bras d’un homme qui brandissait une massue. Il se trouvait
assez près pour sentir l’haleine de l’homme et l’odeur de ses vêtements. Un
Français faisait tournoyer une épée, un autre frappait un Gallois avec une
masse d’armes cloutée. C’était un combat de taverne, une bataille de rue.
Thomas criait comme un démon. Que Dieu les damne tous ! Aspergé de sang,
il se frayait un chemin à coups de pied et de poing dans cette rue où l’air
semblait anormalement épais, moite, tiède et avait l’odeur du sang. La masse
cloutée passa à un doigt de sa tête et alla frapper le mur. Thomas frappa de
bas en haut avec son cimeterre qui s’enfonça dans l’aine de l’homme.
Celui-ci poussa un cri et Thomas donna un coup de pied dans
sa lame pour l’enfoncer un peu plus.
Charogne ! dit-il en donnant un autre coup de pied dans
la lame.
Un Gallois frappa l’homme de sa lance. Deux autres sautèrent
par-dessus le corps et, leurs longs cheveux et leurs barbes pleins de sang, ils
se précipitèrent la lance en avant vers le second rang de défenseurs.
Il y avait vingt ennemis, voire plus, dans la rue alors que
Thomas et ses compagnons étaient moins d’une douzaine, mais les Français
étaient nerveux et les assaillants confiants. Si bien qu’avec lance, épée et
cimeterre ils fondaient sur leurs adversaires en les frappant, les
transperçant, les tranchant, les injuriant, et les tuant dans une tornade de
haine. De plus en plus d’Anglais et de Gallois montaient de la rivière. Ce
qu’ils faisaient entendre était à la fois un hurlement d’enthousiasme, un appel
au sang et un cri de mépris pour leur ennemi. C’étaient des chiens de guerre
échappés de leur chenil. Ils étaient en train de s’emparer de cette grande
ville alors que les seigneurs de l’armée avaient cru qu’elle arrêterait
l’avance anglaise pendant un mois.
Dans la rue, les défenseurs lâchèrent pied et se sauvèrent.
Thomas abattit un homme par-derrière. Lorsqu’il retira sa lame, elle fit un
bruit de métal grattant l’os. Les hobelars enfoncèrent une porte à coups de
pied en déclarant que la maison leur appartenait. Des archers, dans la livrée
vert et blanc du prince de Galles, envahirent la rue au pas de course, suivant
Thomas dans un long et joli jardin où il y avait des poiriers parmi des carrés
de plantes aromatiques bien délimités. Thomas fut frappé par l’incongruité de
cet endroit si beau alors que le ciel était rempli de fumée et que
retentissaient
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