La lance de Saint Georges
dans la ville sans habitants et ainsi, il y eut de plus en
plus d’hommes pour s’avancer vers le pont qui enjambait la rivière Odon et
menait à l’île Saint-Jean. À l’extrémité sud du pont, à l’endroit où il
atteignait l’île, se trouvait une barbacane hérissée d’arbalètes, mais les
Français, ne voulant pas que les Anglais s’approchent trop près de la
barbacane, avaient hâtivement élevé une barricade sur le côté nord du pont au
moyen de chariots et de meubles. Elle était défendue par une vingtaine d’hommes
d’armes soutenus par autant d’arbalétriers. Il existait un autre pont à l’autre
extrémité de l’île, mais les archers en ignoraient l’existence. Il était
d’ailleurs éloigné et le pont barricadé constituait le chemin le plus rapide
vers les richesses de l’ennemi.
Les premières flèches à empennes blanches se mirent à voler.
Puis on entendit le bruit plus fort des arbalètes et le claquement des carreaux
contre les pierres de l’église située à côté du pont. Les premiers hommes
moururent.
Aucun ordre n’avait été donné. Il n’y avait encore dans la
ville qu’une masse d’archers aussi stupides que des loups qui ont reniflé
l’odeur du sang. Ils déversèrent une pluie de flèches sur la barricade,
obligeant les défenseurs à s’accroupir derrière les chariots renversés, puis un
premier groupe d’Anglais poussa un cri et chargea avec des épées, des haches et
des lances. D’autres hommes suivirent pendant que la première vague tentait
d’escalader l’empilement de meubles. Les arbalètes claquèrent du haut de la
barbacane et les lourds carreaux frappèrent les assaillants. Les hommes d’armes
français se redressèrent pour repousser les survivants et les épées se
heurtèrent aux haches. Comme le sang s’étalait sur les approches du pont, l’un
des archers glissa et fut piétiné par ses camarades qui montaient à l’assaut.
Les Anglais braillaient, les Français hurlaient, une trompette sonnait sur la
barbacane et toutes les églises de l’île donnaient l’alarme.
Thomas, ne possédant pas d’épée, se tenait sous le porche
d’une église toute proche du pont et de là il tirait sur la barbacane. Mais sa
cible était voilée parce que du chaume brûlait dans la vieille cité et que la
fumée se répandait sur la rivière comme un nuage bas.
Les Français disposaient de tous les avantages. Leurs
arbalétriers pouvaient tirer depuis la barbacane ou abrités derrière la
barricade et, pour les attaquer, les Anglais devaient s’engager dans les
approches étroites du pont, lesquelles étaient jonchées de corps ensanglantés
et de carreaux d’arbalète. Qui plus est, des arbalétriers s’étaient postés dans
la ligne de bateaux au mouillage le long de la berge, immobilisés à cet endroit
par la marée descendante. De là, les défenseurs, abrités derrière le bois épais
des plats-bords, pouvaient tirer sur tout archer assez fou pour se montrer sur
cette partie des remparts de la ville que ne couvrait pas la fumée. De plus en
plus d’arbalétriers se rendaient sur le pont, au point que les carreaux volaient
au-dessus de la rivière comme une nuée d’étourneaux.
Une nouvelle charge d’archers s’engouffra en criant dans
l’étroite rue menant à la barricade. Ils ne combattaient pas avec leurs arcs
mais portaient des haches, des épées, des serpes et des lances. C’étaient
principalement les hobelars qui tenaient les lances. Beaucoup d’entre eux
étaient gallois et ils poussaient un cri aigu en courant aux côtés des archers.
Quelques-uns de ces nouveaux assaillants tombèrent, atteints par des carreaux,
mais les survivants escaladèrent la barricade qui, à ce moment, était défendue
par au moins trente hommes d’armes et autant d’arbalétriers. Thomas courut pour
prendre le sac de flèches d’un mort. Les attaquants s’entassant sur la
barricade hérissée de flèches, ils disposaient de peu de place pour brandir
leur hache, leur épée ou leur lance. Les hommes d’armes français perçaient avec
leurs lances, fendaient avec leurs épées et écrasaient avec leurs masses
d’armes. Quand la première vague d’archers eut péri, une autre vague fut
poussée vers les armes ennemies et pendant tout ce temps les carreaux
d’arbalète fusèrent depuis la tour crénelée de la barbacane et les bateaux
ancrés dans la rivière. Thomas vit un homme revenir du pont avec un carreau
enfoncé dans
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