La lance de Saint Georges
d’horribles cris. Le jardin avait une bordure de roquettes, de
giroflées et de pivoines, et des sièges étaient disposés sous une treille. On
aurait dit un petit morceau de paradis. Mais les archers piétinèrent les
plantes, abattirent la vigne et coururent sur les fleurs.
Un groupe de Français tenta de chasser les envahisseurs du
jardin. Ils s’approchèrent par l’est, venant d’une masse d’hommes qui
attendaient derrière la barbacane. Les trois hommes d’armes qui les
conduisaient portaient des surcots azur garnis d’étoiles or. D’un saut, ils
firent franchir les palissades basses à leurs chevaux et crièrent en levant
leurs longues épées prêtes à frapper.
Les flèches s’enfoncèrent dans la chair des chevaux. Thomas
avait toujours son arc à l’épaule, mais certains archers du prince avaient des
flèches à leurs arcs. Plutôt que les cavaliers, ils visèrent les chevaux qui
hennirent, reculèrent et tombèrent. Les archers se précipitèrent avec des
haches et des épées sur leurs cavaliers à terre. Thomas se dirigea vers la
droite pour faire face aux Français à pied qui semblaient être surtout des gens
de la ville armés de n’importe quoi : petite hache, crochet, vieille épée
à deux mains. Avec son cimeterre, il fendit un manteau de cuir, repoussa
l’homme du pied pour libérer la lame et agita son arme pour en égoutter le
sang, puis frappa à nouveau. Les Français hésitèrent, virent d’autres archers
entrer dans la rue et s’enfuirent vers la barbacane.
Les archers frappaient les cavaliers désarçonnés. L’un d’eux
se mit à crier quand les lames s’enfoncèrent dans son bras et son buste. Les
surcots azur et or étaient imprégnés de sang. C’est alors que Thomas s’aperçut
que ce n’étaient pas des étoiles sur champ d’azur, mais des faucons. Des
faucons aux ailes déployées et aux serres ouvertes. Les hommes de messire
d’Evecque ! Peut-être messire d’Evecque lui-même ? Mais quand il
regarda les visages grimaçants et ensanglantés, Thomas vit que les trois morts
étaient des jeunes gens. En tout cas, messire Guillaume se trouvait à Caen et
la lance était peut-être toute proche. Il franchit la palissade et s’engagea
dans une autre rue. Derrière lui, dans la maison dont s’étaient emparés les
hobelars, une femme se mit à crier. La première, avant beaucoup d’autres. Les
cloches des églises se turent peu à peu.
Edouard III, roi d’Angleterre par la grâce de Dieu,
conduisait près de douze mille combattants et à présent un cinquième d’entre
eux se trouvaient sur l’île et d’autres allaient arriver. Personne ne les y
avait conduits. Le seul ordre reçu avait été celui de faire retraite. Mais ils
avaient désobéi et ainsi s’étaient emparés de Caen, bien que les ennemis
tinssent encore la barbacane d’où ils tiraient des traits d’arbalète.
Thomas déboucha dans la rue principale, où il rejoignit un
groupe d’archers qui arrosaient de flèches la tour crénelée. Couverte par eux,
une foule hurlante de Gallois et d’Anglais submergea les Français qui se
blottissaient sous la porte de la barbacane, puis chargea les défenseurs de la
barricade. Ceux-ci, se voyant attaqués des deux côtés, comprirent que leur sort
était scellé. Ils jetèrent leurs armes et crièrent qu’ils se rendaient, mais
les archers n’étaient pas d’humeur à faire quartier. Ils poussèrent leur cri de
guerre et partirent à l’assaut. Les Français furent jetés dans la rivière, puis
des groupes d’hommes démantelèrent la barricade en jetant les meubles et les
chariots par-dessus le parapet.
Les Français qui attendaient derrière la barbacane se
dispersèrent dans l’île afin, pensa Thomas, d’aller secourir leurs femmes et
leurs filles. Ils étaient poursuivis par les archers, pleins de désir de
vengeance, qui avaient attendu de l’autre côté du pont. Une foule d’hommes
passa devant Thomas pour se rendre au cœur de l’île Saint-Jean où les
hurlements étaient incessants. Partout on criait au butin. La barbacane était
toujours tenue par les Français, mais ils ne se servaient plus de leurs
arbalètes par crainte des arcs anglais. Personne n’essaya de prendre la tour.
Seul un petit groupe d’archers se tenait au milieu du pont et regardait les
bannières qui pendaient aux créneaux.
Thomas s’apprêtait à se diriger vers le centre de l’île
quand il entendit un bruit de sabots sonnant sur les
Weitere Kostenlose Bücher