La lance de Saint Georges
cadavres
furent ainsi jetés dans la rivière. Les habitants qui avaient survécu sortirent
de leurs cachettes lorsque la folie de la mise à sac prit fin. Ils marchaient
le long de la berge, cherchant parmi les cadavres des membres de leurs
familles. Ce faisant, ils dérangeaient les chiens errants ainsi que les nuées
de corbeaux et de mouettes qui se disputaient en criant les corps boursouflés.
Le château restait aux mains des Français. Ses murs, hauts
et épais, étaient hors de portée des échelles. Le roi envoya un héraut pour
demander à la garnison de se rendre. Mais à l’intérieur du grand donjon les
seigneurs français refusèrent poliment et engagèrent les Anglais « à faire
de leur pire », assurés qu’aucun mangonneau, aucune catapulte ne pouvait
envoyer une pierre assez haut pour ébrécher leur muraille. Le roi pensait
qu’ils avaient raison, aussi ordonna-t-il à ses artilleurs de fracasser les
pierres du château. Les cinq plus grosses bombardes de l’armée furent tirées
par les rues de la vieille ville sur leurs chariots. Trois d’entre elles
étaient de longs tubes constitués de pièces de fer assemblées par des anneaux
d’acier tandis que les deux autres avaient été fondues en cuivre par des
fabricants de cloches. Elles ressemblaient à de grosses jarres bulbeuses avec
de gros ventres gonflés, des cols étroits et des gueules flamboyantes. Mesurant
environ cinq pieds de long, elles nécessitaient l’aide d’une grue pour être
descendues des chariots sur des supports en bois. Les supports furent disposés
sur des planches. Le sol avait été préparé pour qu’ils soient orientés vers la
porte du château. Le roi avait en effet ordonné d’abattre la porte, après quoi
il pourrait envoyer ses archers et ses hommes d’armes à l’assaut. Alors les
artilleurs, dont beaucoup venaient de Flandre et d’Italie, commencèrent à
préparer leur poudre en hommes habitués à ce genre de tâche. Leur poudre était
faite de salpêtre, de soufre et de charbon de bois, mais le salpêtre étant plus
lourd que les autres ingrédients, il avait tendance à descendre dans le fond
des barils alors que le charbon remontait à la surface.
Aussi les artilleurs devaient-ils bien remuer la mixture
avant de l’enfourner dans le ventre des bombardes. Ils plaçaient ensuite une pelletée
de terre argileuse mouillée d’eau puis chargeaient le boulet en pierre
grossièrement façonné qui constituait le projectile. L’argile était destinée à
sceller la chambre de combustion, ce qui évitait une perte de puissance avant
que toute la poudre se soit embrasée. On enduisait également le boulet d’argile
dans le but de combler tout vide entre le projectile et la paroi de la
bombarde, ensuite il fallait attendre que l’argile ait séché pour que le sceau
soit bien étanche.
Les trois longues bombardes furent plus rapides à charger.
Chaque tube de fer était attaché à un support massif qui courait sur toute sa
longueur puis s’arrêtait à angle droit, si bien que l’arrière s’appuyait sur
une butée de chêne solide. Cette partie arrière, qui faisait un quart de la
longueur totale, pouvait se séparer du canon. Elle fut retirée du support,
placée droite sur le sol et remplie de la précieuse poudre noire. Une fois les
trois chambres remplies, elles furent scellées par une bourre en saule puis
replacées sur les supports. Les trois bombardes tubes avaient déjà été
chargées, deux avec des boulets de pierre et la troisième avec une flèche de
fer longue de trois coudées.
Les trois chambres de combustion devaient être soigneusement
appliquées contre les canons pour que le souffle de l’explosion ne s’échappe
pas dans l’interstice des deux parties. Les artilleurs se servaient de cales en
bois qu’ils enfonçaient à coups de maillet entre la chambre et le support.
Chaque coup de maillet scellait imperceptiblement la jointure. D’autres
artilleurs mettaient de la poudre dans des chambres de rechange qui serviraient
pour les tirs suivants.
Tout cela prit du temps – il fallut bien plus d’une
heure pour attendre que l’argile sèche dans les grosses bombardes ventrues. Ces
préparatifs attirèrent une foule de spectateurs qui, judicieusement, se
tenaient à une distance suffisante afin d’être préservés des éclats dans le cas
où l’une de ces machines exploserait. Les Français, tout aussi curieux,
observaient la scène depuis les créneaux du
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