La lance de Saint Georges
entre les forteresses anglaises
quand l’armée du duc l’avait surpris, mais ses archers et ses hommes d’armes,
embusqués derrière l’épaisse haie d’une pâture en haut d’une colline, avaient
taillé l’ennemi en pièces.
— Ils ont combattu toute la journée, raconta Skeat, du
matin jusqu’au soir, et ces corniauds ne voulaient rien comprendre, ils
continuaient à envoyer des hommes sur la colline. Ils pensaient que Tommy
allait bientôt être à court de flèches, seulement il transportait des charrettes
de flèches destinées aux forteresses, tu vois, si bien qu’il en avait assez
pour tenir jusqu’au Jugement dernier. C’est comme ça que le duc Charles a perdu
ses meilleurs hommes. Les forteresses sont en sécurité tant qu’il n’aura pas
reçu de renforts, et nous, nous sommes venus ici. Le comte nous a fait venir.
« Viens juste avec cinquante archers », m’a-t-il dit, et c’est ce que
j’ai fait. Le père Hobbe est venu aussi, bien sûr. Alors, que diable t’est-il
arrivé ?
Thomas raconta son histoire. Quand il en vint à la
pendaison, Skeat remua la tête.
— Sir Simon est parti, dit-il, il a probablement
rejoint les Français.
— Qu’est-ce qu’il a fait ?
— Il a disparu. Ta comtesse s’en est prise à lui et lui
a pissé dessus, d’après ce qu’on a su.
Skeat lui sourit et reprit :
— Tu as eu une chance du diable. Dieu sait pourquoi
j’ai gardé ça pour toi.
Et il plaça une cruche de bière sur la table, avant de
désigner de la tête l’arc que portait Eléonore.
— Tu sais encore tirer avec cette chose-là ? Je
veux dire que ça fait tellement longtemps que tu te frottes à la noblesse que
tu as peut-être oublié pourquoi Dieu t’a mis sur terre ?
— Je sais encore m’en servir.
— Dans ce cas, autant que tu fasses route avec nous,
dit Skeat.
Il admit qu’il ne savait pas ce que l’armée allait faire.
— Personne ne me dit rien, continua-t-il avec une
expression désabusée. Il paraît qu’il y a une rivière au nord et qu’il faut la
traverser. Le plus tôt sera le mieux, je pense, parce que les Français ont
proprement nettoyé le pays. On ne pourrait même pas nourrir un petit chat, par
ici.
En vérité, c’était une terre désolée. Thomas le constata par
lui-même le lendemain lorsque les hommes de Skeat firent lentement mouvement
vers le nord au travers de champs moissonnés. Au lieu d’être entreposés dans
les granges, les grains avaient déjà été emportés pour l’armée française, de
même que le bétail avait été emmené. Au sud de la Seine, les Anglais avaient
coupé le blé dans les champs abandonnés et leur avant-garde avait progressé
assez rapidement pour capturer des milliers de vaches, de cochons et de
chèvres, mais ici la terre avait été dépouillée par une armée encore plus
grande. C’est pourquoi le roi avait ordonné de se hâter. Il voulait que ses
hommes traversent la Somme, au-delà de laquelle l’armée française n’avait
peut-être pas tondu le pays et où, dans le port du Crotoy, il espérait qu’une
flotte l’attendrait avec des vivres. Mais en dépit des ordres royaux, l’armée
avançait lentement, avec peine. Il y avait des villes fortifiées qui promettaient
des ressources en nourriture. Les hommes insistaient pour qu’on les attaque.
Ils en prirent certaines, furent repoussés devant d’autres, mais tout cela prit
du temps et le roi n’en avait pas. Tandis qu’il tentait de se faire obéir d’une
armée plus préoccupée par le butin que par la progression, le roi de France
avait passé la Seine avec son armée, traversé Paris et il se dirigeait vers la
Somme.
Un nouveau piège se mettait en place, plus meurtrier encore
que le premier, car les Anglais se trouvaient immobilisés dans une région dont
toute nourriture avait été emportée. Finalement, l’armée d’Edouard atteignit la
Somme, mais la trouva bloquée comme l’avait été la Seine. Les ponts avaient été
détruits ou bien ils étaient gardés par d’impressionnantes fortifications
pourvues de grosses garnisons. Il faudrait des semaines pour les déloger et les
Anglais ne disposaient pas de tout ce temps. Chaque jour, ils
s’affaiblissaient. Ils avaient marché depuis la Normandie jusqu’aux abords de
Paris, puis ils avaient traversé la Seine et laissé derrière eux un sillage de
destructions jusqu’à la rive sud de la Somme. Ce long trajet avait érodé
l’armée. Des centaines
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