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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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et ils savent qu’ils
ont plus d’hommes que nous. Beaucoup plus.
    Il se tourna vers l’ouest.
    — Et nous ne pouvons pas aller plus loin, ajouta-t-il
en désignant la surface scintillante de la mer. Ils nous ont pris au piège.
Demain, ils traverseront le pont à Abbeville et ils nous attaqueront.
    — Alors nous allons combattre, grommela Will Skeat.
    — Sur ce terrain, Will ?
    Le pays était plat, idéal pour la cavalerie. Il comportait
peu de haies et de taillis capables de protéger les archers.
    — Et contre un si grand nombre ? ajouta-t-il en
observant l’ennemi au loin. Ils nous surpassent en nombre, Will. Par Dieu, ils
nous surpassent en nombre. Il est temps de s’en aller.
    — S’en aller où ? demanda Skeat. Pourquoi ne pas
choisir notre terrain et les y attendre ?
    — Au sud ?
    Le comte semblait incertain.
    — Nous pouvons peut-être retraverser la Seine et
reprendre nos bateaux en Normandie pour rentrer chez nous ? Dieu le sait
bien, nous ne pouvons pas traverser la Somme.
    Il abrita ses yeux tout en observant la rivière.
    — Par le Christ, blasphéma-t-il, pourquoi diable n’y
a-t-il pas un gué ? Nous aurions pu rejoindre nos places fortes en Flandre
et laisser Philippe enlisé comme le sacré imbécile qu’il est assurément.
    — Nous n’allons pas combattre ? demanda Thomas
interloqué.
    — Nous l’avons blessé, dit le comte avec un mouvement
négatif de la tête. Nous lui avons tout volé. Nous avons parcouru son royaume
en ne laissant que des cendres. Pourquoi livrer bataille ? Il a dépensé une
fortune pour acheter les services des chevaliers et des arbalétriers, pourquoi
ne pas le laisser gaspiller cet argent ? Ainsi, nous reviendrons l’année
prochaine et nous recommencerons. À moins que nous ne parvenions pas à lui
échapper.
    Sur ce sombre propos, il redescendit du clocher, suivi par
son entourage, laissant Skeat et Thomas seuls en haut.
    Quand le comte ne fut plus en mesure d’entendre, Skeat dit
avec amertume :
    — La véritable raison pour laquelle ils ne veulent pas
combattre, c’est qu’ils ont peur d’être faits prisonniers. Une rançon peut
balayer la fortune d’une famille en un clin d’œil.
    Il cracha par-dessus le parapet puis conduisit Thomas vers
le rebord exposé au nord.
    — Si je t’ai fait venir ici, Tom, c’est parce que tes
yeux sont meilleurs que les miens. Peux-tu voir un village par là-bas ?
    Il fallut un moment à Thomas pour distinguer un groupe de
toits bas parmi les roseaux.
    — Bien pauvre village, dit-il d’un ton amer.
    — C’est tout de même un endroit où nous ne sommes pas
allés chercher de la nourriture, dit Skeat, et comme il se trouve sur un
marais, ils doivent avoir des anguilles fumées. J’aime beaucoup l’anguille
fumée. C’est meilleur que les pommes acides ou que la soupe d’orties. Tu
devrais aller y voir.
    — Ce soir ?
    — Pourquoi pas la semaine prochaine ? dit Skeat en
redescendant. Ou l’année prochaine ? Évidemment ce soir, espèce de
crapaud. Dépêche-toi !
    Thomas prit vingt archers. Aucun d’entre eux ne voulait
venir, car il se faisait tard et ils avaient peur que des patrouilles françaises
les attendent sur la piste qui serpentait sans fin entre les dunes et les
roseaux. C’était un pays désolé. Des oiseaux s’envolèrent des roseaux lorsque
les chevaux s’engagèrent sur une piste si basse que par endroits elle était
recouverte de lattes d’ormes pour permettre le passage. Tout autour d’eux,
l’eau gargouillait et ruisselait dans de la boue recouverte d’écume verte.
    — La marée descend, commenta Jake.
    Thomas sentait l’odeur d’eau salée. Ils se trouvaient assez
près de la mer pour que la marée envahisse cette intrication de roseaux et
d’herbe. Par moments, le chemin devenait plus ferme en passant sur des bancs de
sable où poussaient des plantes pâles et raides. En hiver, se dit Thomas, ce
devait être en endroit perdu où le vent froid apportait de l’écume sur les
marais gelés.
    Il faisait presque noir quand ils atteignirent le village,
un misérable lotissement d’une douzaine de cabanes aux toits de roseaux. Il n’y
avait personne. Les habitants avaient dû partir juste avant l’arrivée des archers
car des feux brûlaient encore dans les petits foyers de pierre.
    — Il faut trouver de la nourriture, dit Thomas, plus
particulièrement des anguilles fumées.
    — Ça serait plus rapide d’attraper et de

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