La lance de Saint Georges
cria le prince en exultant dans
son armure tachée de sang ennemi.
Il combattait visière levée car autrement il ne voyait pas
bien. C’était pour lui un moment précieux. Les heures et les heures de
maniement d’armes, les journées de fatigue et de sueur où les sergents avaient
frappé son écu et l’avaient harcelé pour qu’il tienne haute la pointe de son
épée, tout cela prouvait maintenant sa valeur. Il ne pouvait rien demander de
mieux à la vie : une femme au camp et des ennemis venant se faire tuer par
centaines.
La troupe de Français s’élargissait à mesure qu’arrivaient
ceux qui montaient sur la colline. Ils n’avaient pas rompu la ligne anglaise
mais avaient attiré les deux premiers rangs sur la bande formée par les morts
et les blessés et ainsi ils les avaient éparpillés en petits groupes d’hommes
qui se défendaient contre une masse confuse de cavaliers. Le prince se trouvait
parmi eux. Certains Français, désarçonnés mais indemnes, combattaient à pied.
— En avant ! cria le comte de Northampton au
troisième rang.
Il n’était plus possible de maintenir un mur de boucliers.
Il lui fallait entrer dans cette horrible tuerie pour protéger le prince. Ses
hommes le suivirent dans le maelström de chevaux et d’épées. Ils montèrent sur
les chevaux morts en essayant d’éviter les coups de sabot des destriers
agonisants et plongèrent leurs épées dans les animaux intacts afin de faire
tomber les cavaliers et de les massacrer à terre.
Chaque Français devait affronter deux ou trois soldats
anglais à pied. Malgré les morsures et les ruades des chevaux, et bien que les
cavaliers frappassent à droite et à gauche avec leurs épées, les Anglais
finissaient invariablement par mutiler les destriers et les chevaliers français
étaient projetés sur l’herbe où ils étaient frappés à coups de masse et d’épée
jusqu’à ce que mort s’ensuive. Quelques Français, comprenant l’inutilité de
leurs efforts, se replièrent derrière les trous pour former de nouveaux conrois
avec les survivants. Les écuyers leur apportèrent de nouvelles lances, et les
chevaliers, réarmés et assoiffés de revanche, repartirent au combat, toujours
en direction de l’étendard du prince de Galles.
Le comte de Northampton en était tout proche. Il frappa la
tête d’un cheval avec son écu, lui tailla la jambe et planta son épée dans la
cuisse du cavalier. Un autre conroi arriva sur la droite. Trois hommes tenaient
des lances, les autres brandissaient des épées. Ils frappèrent les boucliers
des gardes du prince, les faisant reculer, mais d’autres hommes en vert et
blanc vinrent à leur secours. Le prince écarta deux de ses gardes afin de
pouvoir frapper le cou d’un destrier. Le conroi tourna bride, laissant deux de
ses chevaliers morts.
— Formez la ligne ! cria le comte.
Il se produisit une accalmie dans le combat autour de
l’étendard du prince parce que les Français se regroupaient.
Juste à ce moment-là, le second corps de bataille français,
aussi grand que le premier, se mit à descendre la colline d’en face. Ils allaient
au pas, genou contre genou, leurs lances si proches qu’il semblait que rien ne
puisse passer entre elles.
Ils donnaient une démonstration de leur savoir-faire.
Les gros tambours les encourageaient. Les trompettes se
levaient vers le ciel.
Les Français s’approchaient pour conclure la bataille.
— Huit, dit Jake.
— Trois, dit Sam à Will Skeat.
— Sept, dit Thomas.
Ils comptaient leurs flèches. Aucun archer n’avait péri
jusqu’à présent, en tout cas dans le groupe de Will Skeat, mais ils manquaient dangereusement
de flèches. Skeat regardait par-dessus la tête des hommes d’armes, inquiet à la
pensée que les Français pourraient faire une percée, mais la ligne tenait bon.
De temps à autre, quand aucune bannière ou tête anglaise ne s’interposait, un
archer tirait l’une des précieuses flèches sur un cavalier, mais lorsqu’une
flèche se perdit en glissant sur un heaume, Skeat leur dit de ménager leurs
réserves. Un garçon avait apporté des bagages une dizaine de gourdes d’eau en
peau que les hommes se faisaient passer.
Skeat fit le décompte des flèches. Aucun homme n’en avait
plus de dix. Le père Hobbe, qui au départ en avait moins que les autres, n’en
avait plus du tout.
— Allez voir, mon père, dit Skeat, s’il reste des
flèches là-haut. Les archers du roi en ont
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