La lance de Saint Georges
peut-être mis de côté. Leur
capitaine s’appelle Hal Crowley. Il me connaît. En tout cas, demandez-lui.
En disant ces mots, il ne paraissait pas avoir beaucoup
d’espoir.
— Bien, les gars, par ici ! dit-il à ses hommes.
Il les conduisit vers l’extrémité sud de la ligne anglaise,
dont les Français ne s’étaient pas approchés, et après avoir traversé les rangs
des hommes d’armes, il les disposa en avant pour renforcer les archers qui
étaient autant à court de flèches que le reste de l’armée et qui, de temps à
autre, tiraient sur tout groupe de cavaliers qui menaçait de s’approcher de
leur position. Les bombardes continuaient à tonner de manière intermittente,
répandant une fumée nauséabonde sur les bords du champ de bataille. Thomas ne
trouva pas la moindre indication qu’elles aient tué un seul Français, néanmoins
leur bruit et le sifflement de leurs projectiles de fer tenaient les ennemis à
l’écart des flancs.
— Nous allons attendre ici, dit Skeat.
Puis il jura car il venait de voir la seconde vague d’assaut
française quitter les hauteurs de la colline. Ils ne venaient pas comme la
première dans un chaos irrégulier, mais calmement, en bon ordre. Skeat fit un
signe de croix.
— Prions pour qu’on ait des flèches, dit-il.
Le roi regardait comment son fils se comportait au combat.
Il avait été inquiet lorsque le prince s’était avancé à cheval, mais avait
approuvé silencieusement en voyant que le jeune garçon avait le bon sens de
mettre pied à terre. L’évêque de Durham insista pour être autorisé à aller
porter secours au prince Edouard, mais le roi refusa.
— Il lui faut apprendre à l’emporter dans les combats…
Je l’ai fait, moi aussi.
Le roi n’avait aucune intention de se mêler à la tuerie, non
que cela lui fît peur, mais parce que une fois aux prises avec les cavaliers
français il ne serait plus capable de surveiller le reste de la ligne. Son
travail consistait à demeurer près du moulin et à envoyer des renforts vers les
parties les plus menacées de son armée. Les hommes de sa réserve demandaient
continuellement à être envoyés dans la mêlée, mais le roi refusait obstinément,
même quand ils se plaignaient que leur honneur serait entaché s’ils ne
participaient pas au combat. Le roi n’osait pas les laisser partir. Il voyait
la seconde vague d’assaut descendre la colline et il savait que chaque homme
serait précieux au cas où cette grande vague de cavaliers enfoncerait ses
lignes.
La seconde vague française, longue d’un mile et profonde de
trois ou quatre rangs, descendit la pente au pas jusqu’à l’endroit où il lui
fallut franchir les corps des Génois.
— Reformez-vous ! crièrent les chefs de conroi
lorsqu’ils eurent dépassé les cadavres des arbalétriers.
Les hommes, avec obéissance, se remirent genou contre genou
en s’avançant sur le terrain plus mou. Les sabots ne faisaient presque plus de
bruit sur le sol humide. On n’entendait plus que le cliquetis des cottes de
mailles, le battement des fourreaux et le frottement des housses sur l’herbe
haute. Les tambours continuaient à battre, mais les trompettes s’étaient tues.
— Apercevez-vous la bannière du prince ? demanda
Guy Vexille à sir Simon Jekyll qui chevauchait auprès de lui.
— Là-bas !
Jekyll pointa sa lance là où le combat était le plus animé.
Les hommes du conroi de Vexille avaient des lances munies
d’un déflecteur placé juste derrière la pointe. Ainsi l’arme ne s’enfonçait pas
trop dans le corps des victimes. Elle pouvait en être retirée et resservir.
— C’est le plus haut des étendards, ajouta sir Simon.
— Suivez-moi, cria Vexille en faisant signe à Henry
Colley qui portait l’étendard.
Colley n’était pas enchanté par cette fonction. Il pensait
qu’on aurait dû lui permettre de combattre avec la lance et l’épée mais sir
Simon lui avait expliqué que c’était un privilège de porter la lance de saint
Georges et il avait dû accepter. Il projetait de se débarrasser de cette lance
garnie d’une bannière rouge aussitôt qu’il serait entré dans la mêlée, mais
pour l’heure il la portait haut en s’écartant de la ligne bien organisée. Les
hommes de Vexille suivirent leur bannière et le départ du conroi créa un vide
dans la formation française. Certains les interpellèrent avec colère, allant
jusqu’à accuser Vexille de lâcheté, mais le comte
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