La lance de Saint Georges
étaient finement brodées, les
lourds chandeliers étaient en argent et les murs, de chaque côté de l’âtre de
pierre, étaient recouverts de beaux panneaux de bois sculpté. Il poussa le
petit lit contre la porte, pensant que cela préserverait l’intimité, puis
s’approcha du feu pour se réchauffer. Il versa du charbon sur les flammèches et
en approcha ses mains glacées.
— C’est votre maison, madame ?
— En effet.
— Pas celle de votre mari ?
— Je suis veuve, dit Jeannette.
Une riche veuve ! Sir Simon faillit se signer de
gratitude. Les veuves qu’il avait rencontrées en Angleterre étaient de vieilles
sorcières fardées, mais celle-ci ! Celle-ci était bien différente. C’était
une femme digne d’un champion de tournoi et elle semblait assez riche pour le
sauver de la honte de perdre son domaine et son rang de chevalier. Elle
paraissait même disposer d’une fortune suffisante pour lui permettre d’acheter
une baronnie. Peut-être un titre de comte ?
Il se retourna et lui sourit.
— Ces bateaux qui sont à quai sont-ils à vous ?
— Oui, monsieur.
— En vertu des lois de la guerre, ils sont désormais à
moi.
Jeannette fronça les sourcils.
— De quelles lois parlez-vous ?
— Les lois de l’épée, madame, mais je pense que vous
avez de la chance. Je vais vous offrir ma protection.
Jeannette s’assit au bord de son lit à baldaquin et serra
Charles contre elle.
— Les lois de la chevalerie, dit-elle, assurent ma
protection.
Elle tressaillit. Une femme criait dans une maison voisine.
— La chevalerie ? demanda sir Simon, la
chevalerie ? J’en ai entendu parler dans des chansons, madame, mais ceci
est une guerre. Nous avons le devoir de punir les partisans de Charles de Blois
pour s’être rebellés contre leur seigneur légitime. La punition et la
chevalerie ne s’accordent pas.
Il lui adressa un regard sévère :
— Vous êtes l’Oiseau Noir ! s’exclama-t-il en la
reconnaissant soudain à la lumière du feu ravivé.
— L’Oiseau Noir ?
Jeannette ne comprenait pas.
— Vous nous avez combattus depuis les remparts !
Vous m’avez écorché le bras !
Sir Simon ne paraissait pas en colère mais très surpris. Il s’était
attendu à être pris de fureur lorsqu’il rencontrerait l’Oiseau Noir, mais sa
présence était trop irrésistible pour laisser place à de la rage. Il lui
sourit.
— Vous avez fermé les yeux lorsque vous avez tiré avec
l’arbalète, c’est pourquoi vous m’avez manqué.
— Je ne vous ai pas manqué ! dit Jeannette
indignée.
— Une égratignure, dit sir Simon en lui montrant la
déchirure sur la manche de sa cotte de mailles. Mais pourquoi donc, madame,
combattez-vous pour le faux duc ?
— Mon mari, dit-elle avec raideur, était le neveu du
duc Charles.
Seigneur Dieu, pensa sir Simon, Seigneur Dieu ! Un
trésor en vérité. Il lui fit une révérence.
— Ainsi votre fils, dit-il en désignant Charles qui le
regardait craintivement dans les bras de sa mère, est l’actuel comte ?
— Il l’est, confirma Jeannette.
— Joli garçon, dit sir Simon en se forçant à la
flatterie.
En réalité, il pensait que Charles était un importun à face
de pudding dont la présence l’empêchait de céder au mouvement naturel de
renverser l’Oiseau Noir sur le dos et de lui enseigner les réalités de la
guerre, mais il avait une conscience aiguë du fait que cette veuve était une
femme noble d’une grande beauté, apparentée à Charles de Blois qui était le
neveu du roi de France. Elle représentait la richesse et sir Simon considérait
qu’à l’heure présente il était nécessaire de lui faire comprendre qu’elle
devait, dans son intérêt, partager ses ambitions.
— Un joli garçon, continua-t-il, qui a besoin d’un
père.
Jeannette se contenta de le regarder. Sir Simon avait un
visage rude pourvu d’un nez bulbeux et d’un solide menton. On n’y lisait pas la
moindre expression d’intelligence. Il était néanmoins sûr de lui, au point de
s’être persuadé qu’elle accepterait de l’épouser. En avait-il réellement
l’intention ? se demanda-t-elle. Elle poussa un cri de surprise. On
entendait le bruit d’une dispute sous sa fenêtre. Des archers tentaient de
franchir la porte malgré les deux gardes apostés à l’entrée. Sir Simon ouvrit
la fenêtre.
— Cet endroit est à moi, dit-il en anglais d’un ton
hargneux. Allez plumer vos propres
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