La lance de Saint Georges
cheval.
Messire Geoffroy avait reçu sa leçon.
4
Au retour à La Roche-Derrien, il y eut du grabuge. Sir Simon
se plaignit auprès de Richard Totesham que Will Skeat ne l’avait pas soutenu
durant la bataille, puis il prétendit que grâce à lui quarante et un hommes
d’armes ennemis avaient été blessés ou tués. Il se vanta d’avoir remporté
l’escarmouche et ensuite revint sur le thème de la perfidie de Skeat. Mais
Richard Totesham n’était pas d’humeur à supporter les propos de sir Simon.
— Avez-vous remporté le combat, oui ou non ?
— Bien sûr que nous l’avons remporté ! dit sir
Simon avec un regard indigné. Ils sont morts, non ?
— Dans ce cas, quel besoin aviez-vous des hommes de
Skeat ?
Sir Simon chercha une réponse et n’en trouva pas.
— Il s’est montré impertinent, se plaignit-il.
— C’est à vous de régler ça avec lui, pas à moi, dit
Totesham en déclinant abruptement toute responsabilité.
Mais il réfléchit à cette conversation et, le même soir, il
en parla avec Skeat.
— Quarante et un tués ou blessés ? dit-il en
pensant tout haut. Cela représente un tiers de la garnison de Lannion.
— Pas loin, sans doute, oui.
Les quartiers de Totesham étaient situés près de la rivière.
De sa fenêtre il pouvait voir l’eau couler sous les arches du pont. Des
chauves-souris voletaient près de la tour de la barbacane, de l’autre côté de
l’eau. Plus loin, des maisons étaient éclairées par la lune.
— Ils vont manquer de bras, Will, dit Totesham.
— Ils ne seront pas à l’aise, c’est sûr.
— Et l’endroit regorge de richesses.
— C’est probable, admit Skeat.
Bien des gens, par crainte des hellequins, avaient
transporté ce qu’ils possédaient dans le lieu fortifié le plus proche. Lannion
devait en être pleine à craquer. Plus important encore, Totesham trouverait
là-bas de la nourriture. Sa garnison en recevait des fermes situées au nord de
La Roche-Derrien, et une quantité plus importante arrivait d’Angleterre. Mais
le saccage de la campagne par les hellequins avait dangereusement rapproché la
perspective d’une famine.
— Nous laisserons cinquante hommes ici ?
Totesham continuait à penser tout haut, mais il n’avait pas besoin
de donner d’explications à un vieux soldat comme Skeat.
— Il nous faudra de nouvelles échelles, dit Skeat.
— Que sont devenues celles que nous avions ?
— Bois de chauffage. L’hiver a été froid.
— Une attaque de nuit ? suggéra Totesham.
— Ce sera la pleine lune dans cinq ou six jours.
— Dans cinq jours, alors, décida Totesham. J’aurai
besoin de tes hommes, Will.
— S’ils ne sont pas ivres à ce moment-là.
— Ils méritent bien de boire un coup après ce qu’ils
ont fait aujourd’hui, dit chaleureusement Totesham, qui ajouta avec un
sourire :
— Sir Simon est venu se plaindre de toi. Il dit que tu
as été impertinent.
— Ce n’est pas moi, Richard, c’est mon gars, Tom. Il a
dit à ce cornard d’aller se faire bouillir le cul.
— J’ai bien peur que sir Simon ne soit pas quelqu’un à
qui on puisse donner un bon conseil, dit gravement Totesham.
Il en était de même des hommes de Skeat. Il leur avait donné
quartier libre en ville, mais les avait prévenus qu’ils se sentiraient très mal
le lendemain matin s’ils buvaient trop. Ne tenant pas compte de cet avis, ils
allèrent célébrer leur succès dans les tavernes de La Roche-Derrien. Thomas se
rendit avec une douzaine d’amis dans un estaminet où ils chantèrent, dansèrent
et tentèrent de provoquer une échauffourée avec des rats blancs du duc Jean.
Ceux-ci eurent le bon sens de ne pas répondre et de s’éclipser tranquillement
dans la nuit. Peu après, deux hommes d’armes entrèrent dans l’établissement.
Ils portaient sur leurs vêtements le blason du comte de Northampton, lions et
étoiles. Leur arrivée souleva des sarcasmes mais ils les supportèrent
patiemment et demandèrent si Thomas était là.
— C’est l’affreux qui est là-bas, dit Jake en désignant
Thomas qui était en train de danser sur une musique de flûte et de tambour.
Les deux soldats attendirent que Thomas ait fini sa danse
avant de lui expliquer que Will Skeat se trouvait avec le commandant de la
garnison et désirait lui parler.
Thomas finit sa bière.
— Ce qu’il y a, dit-il aux autres archers, c’est qu’il
ne peuvent pas prendre une décision sans
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