La lance de Saint Georges
planté une
petite provision de flèches dans le talus de la haie. Thomas examina le terrain
découvert en se demandant combien de temps ses hommes résisteraient dans cette
immensité herbeuse. C’était exactement ce que les ennemis désiraient, une
étendue de terrain plat sur laquelle leurs chevaux pourraient foncer tout
droit. À ceci près que le terrain n’était pas entièrement plat. Il comportait
des tertres herbeux qu’arpentaient deux hérons sur leurs pattes raides à la
recherche de grenouilles ou de canetons. Des grenouilles, des canetons !
se dit Thomas. Doux Jésus, un marais ! Le printemps avait été
inhabituellement sec et pourtant ses bottes étaient humides après sa traversée
des champs à proximité de la haie. Pour Thomas, ce fut comme l’apparition d’un
soleil éclatant. Le terrain découvert était un marais ! Il n’était pas
étonnant que les ennemis attendent. Ils apercevaient bien les hommes de Totesham
prêts à être massacrés, mais ne trouvaient pas de passage sur ce terrain
marécageux.
— Par ici ! cria Thomas à ses archers. Par
ici ! Dépêchez-vous ! Dépêchez-vous ! Allez, vite !
Il les conduisit jusqu’au bout de la haie et les fit
s’avancer dans le marais. Ils sautèrent et pataugèrent dans un labyrinthe de
marécages, de touffes d’herbes et de petits cours d’eau, en se dirigeant vers
le sud en direction des ennemis. Une fois que ceux-ci furent à leur portée,
Thomas déploya ses hommes en leur disant de se livrer au tir à la cible. Sa
peur avait disparu, de l’exaltation la remplaçait. L’ennemi était embourbé dans
le marais. Les chevaux ne pouvaient plus avancer alors que les archers de
Thomas sautaient parmi les touffes d’herbe comme des démons. Comme des hellequins.
— Tuez-les ! cria-t-il.
Les flèches aux plumes blanches sifflèrent au-dessus de la
terre humide pour frapper les hommes et les chevaux. Quelques ennemis tentèrent
de charger les archers mais leurs chevaux s’enfoncèrent dans le sol spongieux
et reçurent une volée de flèches. Les arbalétriers mirent pied à terre et
s’avancèrent. Alors les archers les prirent pour cible. D’autres archers
arrivaient, envoyés par Skeat et Totesham, si bien que le marais se mit à
grouiller de porteurs d’arcs anglais et gallois qui déversèrent un enfer de
pointes sur l’ennemi désemparé. Cela se transforma en jeu. Les hommes
engagèrent des paris sur leur capacité à atteindre telle ou telle cible. Le
soleil monta dans le ciel, donnant une ombre aux chevaux morts. L’ennemi se
repliait vers les arbres. Un groupe courageux tenta une dernière charge en
espérant contourner le marais mais les chevaux furent immobilisés dans la boue
et les flèches filèrent vers eux. Hommes et bêtes tombèrent en criant. L’un des
cavaliers voulut continuer le combat, frappant son cheval du plat de son épée.
Thomas plaça une flèche dans le cou de l’animal et Jake lui transperça la
cuisse. Il hennit piteusement de douleur et s’effondra dans le marécage.
L’homme parvint à extraire ses pieds des étriers et avança en titubant vers les
archers, l’épée basse et l’écu levé, mais Sam parvint à l’atteindre à l’aine et
ensuite une dizaine d’archers ajoutèrent leurs flèches avant de s’attrouper
autour de l’ennemi tombé à terre. Ils tirèrent leurs coutelas, tranchèrent les
gorges et ensuite la récolte du butin put commencer. Les cadavres furent
dépouillés de leurs cottes de mailles et de leurs armes, les chevaux de leurs
harnachements et de leurs selles, après quoi le père Hobbe dit une prière pour
les morts tandis que les archers comptaient leurs dépouilles.
Au milieu de la matinée, l’ennemi était reparti. Il laissait
une quarantaine d’hommes sur le terrain, le double avait été blessé, mais pas
un seul archer anglais ou gallois n’avait péri.
Les hommes du duc Charles s’en retournèrent à Guingamp.
Lannion avait été détruite, ils avaient été humiliés et les hommes de Will
Skeat célébrèrent l’événement à La Roche-Derrien. Ils étaient les hellequins,
les meilleurs, et personne ne pouvait les battre.
Le matin suivant, Thomas, Sam et Jake quittèrent La
Roche-Derrien avant le lever du jour. Ils chevauchèrent vers l’est en direction
de Lannion, mais, parvenus dans les bois, ils quittèrent la route et
attachèrent leurs montures dans les profondeurs du sous-bois. Puis, se déplaçant
comme des braconniers,
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