La lance de Saint Georges
Jeannette et lui avaient été
certains que sir Simon la suivrait et qu’il porterait la coûteuse armure qu’il
lui avait volée.
— C’est une fille courageuse, grommela Jake.
— Elle a du caractère, dit Thomas. Elle sait haïr.
Jake prit le risque de demander à Thomas :
— Elle et toi ? Vous le faites ou pas ?
— Non.
— Mais tu aimerais bien. Moi, oui.
— Je ne sais pas, répondit Thomas, je le suppose…
Il la trouvait belle, mais Skeat avait raison, il y avait en
elle une dureté qui l’éloignait.
— Bien sûr que tu le voudrais, dit Jake, ce serait
stupide de ne pas le vouloir.
Une fois Jeannette parvenue sous les arbres, Thomas et ses
compagnons la suivirent, toujours cachés et bien conscients que sir Simon et
ses deux hommes de main s’approchaient à grande vitesse. Lorsqu’ils eurent
atteint le bois, les trois cavaliers se mirent au trot et rattrapèrent
Jeannette en un endroit qui se prêtait presque parfaitement à l’embuscade de
Thomas. La route traversait une clairière où un cours d’eau sinueux avait sapé
l’assise d’un saule. Le tronc abattu était pourri et couvert de champignons en
forme de disques. Jeannette, faisant semblant de laisser passer les trois
cavaliers en armure, bifurqua dans la clairière et s’arrêta auprès de l’arbre
mort. Mieux encore, il y avait à proximité un bosquet de jeunes aulnes qui
permettait à Thomas de se cacher.
Sir Simon quitta la route, se pencha sous les branches et
arrêta son cheval tout près de Jeannette. L’un de ses compagnons était Henry
Colley, la brute aux cheveux jaunes qui avait maltraité Thomas, tandis que
l’autre était l’écuyer aux joues flasques qui souriait à la perspective du
divertissement. Sir Simon retira son heaume et l’accrocha au pommeau de sa
selle, arborant un sourire de triomphe.
— Il n’est pas sûr, madame, de voyager sans une escorte
armée.
— Je suis parfaitement en sécurité, déclara Jeannette.
Ses deux serviteurs se blottirent contre son cheval en même
temps que Colley et l’écuyer bloquaient Jeannette avec leur monture.
Sir Simon mit pied à terre dans un bruit de métal.
— J’avais espéré, ma chère dame, que nous pourrions
nous entretenir sur le chemin de Louannec.
— Vous désirez prier saint Yves ? Que voulez-vous
lui demander ? Qu’il vous accorde la courtoisie ?
— Je voulais simplement m’entretenir avec vous, madame.
— À quel sujet ?
— De votre plainte au comte de Northampton. Vous avez sali
mon honneur.
— Votre honneur ? dit Jeannette en riant. Quel
honneur avez-vous donc qui puisse être sali ? Connaissez-vous même le sens
de ce mot ?
Thomas, dissimulé derrière les aulnes, traduisait dans un
murmure pour Jake et Sam. Les trois arbalètes étaient armées et leurs vilains
petits carreaux bien en place.
— Si vous ne voulez pas parler avec moi en chemin,
madame, il faudra bien que nous ayons notre conversation ici, déclara sir
Simon.
— Je n’ai rien à vous dire.
— Dans ce cas, il vous sera facile d’écouter, dit-il en
la saisissant pour la faire descendre de cheval.
Elle essaya de lutter contre ses gantelets de fer mais toute
sa résistance ne put empêcher sir Simon de l’attirer à terre. Les deux
serviteurs se mirent à protester en criant mais Colley et l’écuyer les firent
taire en les prenant par les cheveux et en les tirant hors de la clairière afin
de laisser sir Simon seul avec Jeannette.
Celle-ci avait reculé et se tenait tout près du saule.
Thomas avait levé son arbalète mais Jake la lui abaissa car l’escorte était
encore trop proche.
Sir Simon poussa Jeannette si brutalement qu’elle s’assit
sur le tronc pourri. Ensuite, il prit une longue dague à sa ceinture et la
planta à travers la robe de Jeannette dans le tronc d’arbre. Avec son pied
recouvert de fer, il enfonça la lame profondément dans le bois. À présent,
Colley et l’écuyer avaient disparu, le bruit des sabots de leurs chevaux
s’estompait parmi les feuilles.
Sir Simon sourit, puis il fit un pas en avant et arracha le
manteau des épaules de Jeannette.
— Quand je vous ai vue pour la première fois, madame,
je vous avoue que j’ai songé au mariage. Mais vous vous êtes montrée perverse,
aussi ai-je changé d’avis.
Il mit ses mains sur le col de son corsage et le déchira en
deux, arrachant les lacets de leurs orifices brodés. Jeannette se mit à crier
en essayant de recouvrir son
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